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Entretien avec Zina Alhalak, professeur de théâtre

Published on 15 avril 2022

Depuis septembre 2021, le Centre de langue de l'Institut du monde arabe propose, chaque samedi matin, des cours de théâtre en langue arabe animés par la comédienne Zina Alhalak. À la clé : une bouffée de confiance en soi, des fous rires partagés... et de rapide progrès en langue arabe !

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D.R.

« CÔMMMENT ALLLLLEZ-VOUS CHÈÈÈÈÈRE MÂDÂME ? ACCCCEPPTERRIIIEZ-VOUS DE VENIR PRRRENDRRE LE KKKAAFÉÉÉ À CINQQ HEURES ? » Ce n’est pas l’entame d’un dialogue de sourds ! Mais l’une des nombreuses séances d’improvisation qui rythment les nouveaux cours de théâtre en langue arabe, proposés par le Centre de langue de l’Institut du monde arabe depuis quelques mois. Des cours qui font donc la part belle à l’improvisation, sans oublier l’enseignement de tous les rudiments d’un cours de théâtre « classique » : pose de la voix, prononciation, articulation, souffle, posture… Ils sont prodigués chaque samedi matin par la comédienne de théâtre et de cinéma Zina Alhalak.

Zina est originaire de Damas, en Syrie. En 1997, après quatre ans d’étude du théâtre dans sa ville natale, départ pour Rome : elle y parachève sa formation en s’initiant notamment à la commedia dell’arte. Sept ans en Italie, six ans en Tunisie – où elle anime entre autres des ateliers de théâtre pour acteurs amateurs… L’actrice globe-trotteuse arrive à Paris un certain 21 novembre 2017, date restée gravée dans sa mémoire : elle y a obtenu le statut de réfugiée politique après la révolution syrienne.


C’est un vrai plaisir, chaque samedi, de retrouver tout ce petit groupe pour venir travailler et rire ensemble. Oui, vraiment, le théâtre est un outil très important : c’est la vie !
Zina Alhalak

Êtes-vous remontée sur les planches depuis votre arrivée en France ? Et en quelle langue y dites-vous vos textes ?
Depuis mon arrivée en France, j’ai interprété deux rôles dans des pièces de théâtre. La première, intitulée La Fenêtre, est un monologue de 35 minutes, écrit par Abdulmajeed Hayder, que j’ai moi-même mis en scène. Il raconte mon parcours, les raisons qui m’ont fait quitter la Syrie et m’installer en France. Le texte est en français, et je l’ai dit sur scène… sans avoir encore appris un mot de français ! Dans la deuxième pièce, Les Disparus, mise en scène par Judith Depaule, je joue en arabe. Je suis encore en train d’apprendre à parler français, et le théâtre m’est d’une aide précieuse ; en ce qui me concerne, c’est une technique beaucoup plus efficace que l’apprentissage dans les livres ! C’est d’ailleurs ce qui m’a donné l’idée de proposer ces cours à l’IMA.

Un niveau minimum de maîtrise de la langue arabe est-il requis pour s’inscrire ? Et quelle est la langue arabe pratiquée (arabe littéraire, dialectal…) ?
S’agissant du niveau, nous nous référons au cadre européen de référence pour les langues (CERCL) : en principe, un niveau B1 -B2 est requis pour s’inscrire à mes cours, ce qui correspond à une certaine maîtrise de la langue : comprendre l’essentiel d’un discours s’il est énoncé dans un langage clair et concerne la vie courante, être capable de parler et de s’expliquer, même avec des mots simples, etc.
Dans la pratique, les niveaux sont divers : certains élèves sont parfaitement arabophones : il s’agit de personnes originaires d’Algérie, du Liban, d’Égypte, mais aussi de Français. D’autres se débrouillent moins bien. Quant à la langue, les élèves choisissent dans quel arabe ils souhaitent s’exprimer : littéral, standard moderne, dialectal… Parlant moi-même plusieurs dialectes, je peux échanger avec des élèves de différentes nationalité.

IMA

Comment se déroulent les cours ?
Chaque séance dure 2 h. Les cours se déroulent le samedi de 10h30 à 12h30, au premier étage de la bibliothèque. Ils débutent par un échauffement corporel, suivi par un échauffement vocal ; il s’agit de commencer le cours en étant bien détendu. Puis débutent les séquences d’improvisation. Je suggère un sujet – vous êtes au restaurant et on vous sert un plat que vous n’aviez pas commandé ; vous invitez vos voisins prendre le café depuis le fond de votre jardin… Que ce soit au théâtre, dans le bus, au cinéma, dans la rue, au sein d’un couple, entre une mère et son enfant, un serveur et un client, etc., l’idée est de faire feu de tout bois pour utiliser le plus de vocabulaire possible.
Et les participants se lancent, d’abord à l’oral, avant de passer à l’écrit en rédigeant les scènes qu’ils viennent d’improviser. Pendant les séquences d’improvisation orale, je les guide comme n’importe quel professeur de théâtre, en émettant des suggestions pour corriger leur présentation, leur démarche, leur façon de s’accorder avec leur partenaire, etc. Ces scènes improvisées se jouent d’abord à deux, puis à trois, et enfin tous ensemble ou en deux groupes. Il arrive que l’un des partenaires s’exprime en arabe littéraire, et l’autre en dialecte, mais ils se comprennent quand même !
Pour la dernière séance du premier semestre, j’ai proposé un travail sur des textes classiques. J’ai choisi, pour plus de simplicité, des extraits de pièces européennes traduites en langue arabe : Cinq pièces courtes de Caryl Churchill, une écrivaine et dramaturge britannique ; et un texte en arabe littéraire : Le Destin d'un cafard de l'écrivain égyptien Tawfiq al-Hakim, que j’ai réservé aux deux élèves qui avaient le meilleur niveau. J’aimerais monter une petite pièce de théâtre, que nous présenterions à l’issue du deuxième semestre.

Les élèves inscrits à vos cours de théâtre progressent-il vraiment ?
C’est manifeste ! En un seul semestre, ils ont réellement amélioré leur niveau d’expression orale, que ce soit en arabe littéraire ou en dialecte ; et ce sont eux qui le disent.
Mais le but de ces cours, c’est aussi de prendre confiance en soi, d’apprendre à parler en public, à se déplacer de manière plus harmonieuse… Ce ne sont pas des cours de langue, mais des cours de théâtre ; mon rôle, c’est d’aider les élèves à s’exprimer, en l’occurrence en arabe. Il m’arrive de corriger leur expression orale, mais uniquement s’ils en font la demande – ce sont surtout les Français qui demandent à l’être.
Et surtout, on rit beaucoup, et une vraie familiarité est née entre les participants, quel que soit leur âge – de 21 à 50 ans au premier semestre –, à interpréter une succession de scènes cocasses. Et c’est un vrai plaisir, chaque samedi, de retrouver tout ce petit groupe, qui s’est vaillamment tiré du lit pour venir travailler et rire ensemble. Oui, vraiment, le théâtre est un outil très important : c’est la vie !

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Présidence Publié par Jack Lang | le 10 octobre 2016

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