Terminé
21 octobre22 octobre 2005

Suite orientale en mode rasd

avec Karima Skalli et Lotfi Bouchnak

Pour son retour sur la scène de l’auditorium de l’IMA, la belle Karima est accompagnée d’un grand nom de la scène musicale maghrébine, le compositeur et chanteur Lotfi Bouchnak. Quoi de plus normal quand on sait qu’il a écrit tout spécialement pour elle un nouvel opus sur les poèmes de son complice et ami, Adam Fathi? Sur scène, elle interprète une wasla, série de pièces savantes et populaires, qui comprend un duo très attendu avec Lotfi.
Karima, dont beaucoup soulignent la ressemblance avec la mystérieuse Asmahan, fait ici oeuvre d’innovation : pour interprétrer cette wasla – une forme musicale autrefois très répandue qui connaît actuellement un regain d’intérêt – elle s’entoure comme le veut la tradition d’un ensemble de chambre, le takht. Mais aux instruments qui le composent habituellement, tels que le qânun (cithare), le luth, le riqq (tambourin), elle ajoute une contrebasse, un violon, un bouzouk et, comble d’originalité, un saxophone.

En revanche, les connaisseurs retrouveront l’enchaînement traditionnel des morceaux instrumentaux et des improvisations. Pour mémoire, la wasla débute généralement par une ouverture instrumentale au luth, le taqsim. Cette ouverture est suivie d’une pièce mesurée jouée par le takht, le tout conduisant alors aux muwashshah, chantés par le groupe vocal. Puis, comme pour soutenir l’attente et maintenir la tension, s’intercalent alors à nouveau un ou deux taqsim qui laissent ensuite la place aux genres improvisés du soliste, le layali et le mawwal. Enfin, la wasla s’achève en apothéose, habituellement sur un genre pré-composé dans la langue vernaculaire impliquant tout l’ensemble musical qui, à cet instant, atteint son niveau de cohésion le plus élevé.

Le mode rasd, quant à lui, est pour l’auditeur arabe synonyme d’émotions liées aux sentiments de joie et de fierté ; il est le plus souvent joué le soir, à l’occasion de fêtes et de réunions. Un maqâm tout trouvé pour Lotfi, qui confirme ses talents de compositeurs, emportant dans sa création la Marocaine, les deux musiciens étant liés dans cette aventure par leur attachement au répertoire de la musique académique arabe, mais affectionnant aussi des sonorités plus contemporaines, sources d’ouverture et d’inspiration. Tous deux autodidactes, Karima et Lotfi excellent aujourd’hui dans leur pratique respective et manient différents genres musicaux. Ils ont, chacun de leur côté, déjà côtoyé les grands noms de la création dans les maqâm. Karima s’est vue accompagnée des luthistes Saïd Chraïbi (Maroc), Yousra Dhahbi (Tunisie) et Naseer Shamma (Irak). Lotfi a travaillé avec l’Égyptien Sayed Mekkaoui, l’Irakien Fathallah Ahmed ainsi qu’avec l’autre grand talent de la musique tunisienne, Anouar Brahem.

Leur rencontre ne pouvait donc être que couronnée de réussite. La voix profonde et sincère de Karima trouve une résonance toute magnifiée dans le takht élevé par Lotfi, et l’accord de ces deux talents nous fait redécouvrir, sous une forme épurée et actuelle, le voyage stylistique qu’est la wasla.