Terminé
20 mars 2004

La san‘a élégante

avec Nassima

Notre connaissance de l’histoire de la san‘a, héritage des musulmans de l’al-Andalus venus s’installer au Maghreb, est très limitée. Elle est surtout présente à Tlemcen et à Alger. Le concept central de la san‘a est la nouba, qui peut se définir comme un programme de concert et comme une suite vocale et instrumentale composée dans sa forme classique de cinq sections. “San‘a” se traduit par “artisanat”, “métier”. Dans les milieux citadins de l’Algérie d’autrefois, on considérait donc la pratique de la san‘a davantage comme une compétence que comme un art au sens européen. La san‘a d’aujourd’hui constitue un patrimoine légué par des générations d’artisans-musiciens anonymes. Elle ne se réduit pas à un simple répertoire de mélodies et de paroles. Il s’agit plutôt d’un système élaboré, dans lequel des textes sont chantés sur des mélodies appartenant à des modes rythmiques que les musiciens ont créés puis transmis. Le corpus des mélodies qui en forment la base s’est peu à peu renouvelé. Jusqu’au XIXe siècle, les ensembles traditionnels étaient composés de quelques musiciens qui chantaient en s’accompagnant à la kuitra(1), au rabab(2) et au târ(3). Mais dès la fin du XIXe siècle, on assiste à l’introduction d’instruments arabes comme le luth oriental et la derbouka, et au XXe siècle, à celle d’instruments européens comme le violon alto, le violoncelle, le piano, etc.

Nassima
Née à Blida, Nassima est l’une des meilleures interprètes de nouba. Elle a été initiée dès son plus jeune âge à l’art du chant classique arabo-andalou. Formée en Algérie, elle y a côtoyé les plus grands maîtres de la musique arabo-andalouse, à l’image d’El Hadj Medjbeur et de Dahmane Ben Achour. Installée depuis 1994 à Paris, elle œuvre à la valorisation de ce riche patrimoine et compte parmi ses ferventes ambassadrices. Artiste de renommée internationale, Nassima est l’une des plus belles voix algériennes dans le genre andalou et hawzi (mélodies des faubourgs de Tlemcen). Jouant de la mandole et du luth, elle se consacre à l’interprétation complète de noubas, jusqu’alors réservées aux voix d’hommes, réputées plus puissantes et plus endurantes. Avec sa voix de mezzo-soprano, Nassima réussit la prouesse technique d’exécuter les noubas dans leur version algéroise, dite san‘a.

D’après Léo J. Plenckers

1. Petit luth algérien traditionnel.
2. Instrument à cordes frottées que l’on posait sur les genoux.
3. Petit instrument à percussions.