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Musée virtuel de l’IMA : Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas

Musée virtuel de l’IMA : Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas

A l'occasion de sa programmation digitale #LImaALaMaison, l'IMA ouvre son musée virtuel, pour donner accès à tous à ses collections, dont son fonds d'œuvres modernes et contemporaines d'artistes arabes, le plus grand au monde (plus de 2000 œuvres). La mise en ligne de ces œuvres numérisées va se faire progressivement, exposition par exposition. Nous commençons par celle organisée en 2019 avec le concours de Claude Lemand sur le Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas.

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La genèse du poème

« C’était en 1950, à la campagne, je dessinais le soir… Des monstres. À chacun son goût, comme aurait dit Jérôme Bosch. Ce soir-là, une boîte de crayons de couleur traînait aux environs… Et avec les couleurs qui s’y trouvaient, je fais un oiseau sans me soucier de son emplacement, tout simple, plutôt vrai, avec un bec immense sous un petit toupet, un peu monstrueux quand même lui aussi. Pour le découvrir, une fois terminé, stupidement déporté vers la gauche. Je n’ai qu’un moyen de combler le vide de droite : à l’aide d’une plume noire et d’une rouge, y tracer un poème, comme une inscription, car aucune rature n’aurait été supportable. Épousant la forme de l’oiseau, il exige que les vers noirs soient à la suite les uns des autres, séparés par un gros point rouge. Et quand la place allait manquer, la morale est venue d’elle-même… »  Claude Aveline

Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas

Grande personnalité de la vie littéraire et artistique parisienne, Claude Aveline (1901-1992) écrit en en 1950 ce poème, en habillage d’un oiseau qu’il avait au préalable dessiné sur une feuille. Il demande par la suite à des artistes d’en faire le portrait « au gré de leur fantaisie ». Entre 1956 et 1963, il constitue une première « volière » avec 108 oiseaux, puis une seconde avec 86 oiseaux entre 1978 et 1982. Ces Oiseaux sont aujourd’hui conservés dans les collections du Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou.

La petite-fille du poète, France Grésy-Aveline, épouse en 1977 le bibliophile Claude Lemand, qui a l’idée de créer une troisième « volière ». Il sollicite cette fois non plus une œuvre unique mais plusieurs Portraits à une vingtaine d’artistes, sans contrainte de format ni de support.

Les œuvres exposées sur cette page sont issues de cette troisième « volière » et font partie de la Donation Claude & France Lemand dont s’enorgueillit désormais le musée de l’Institut. Elles sont de la main d’artistes arabes, européens, sud-américains, japonais… qui tous partagent le credo de Claude Aveline : un poème, comme toute œuvre d’art, est capable de changer le monde !

Dia AL-AZZAWI

Le thème de l’oiseau est fondamental et permanent dans l’œuvre de Dia Al-Azzawi, surtout à partir de 1975, veille de son exil volontaire de Baghdad à Londres : l’oiseau-émigrant, l’oiseau-blessé, l’oiseau-âme du martyr, mais aussi la colombe blanche symbole de paix, de fidélité et d’espoir, et l’oiseau-bleu des rêves et des contes, symbole du bonheur et de l’aspiration des humains à accéder à des univers merveilleux. 

 Pour le poème de Claude Aveline, Dia Al-Azzawi dessine une quarantaine de pigeons-voyageurs libres et heureux, variant les formes et les couleurs, souvent vives et multiples, en fonction des sept langues du poème qu’il a retenues et reproduites dans son livre d’artiste, et de l’expression des sensations et des sentiments positifs qu’il leur attribue (liberté, santé, joie, fierté, passion, séduction, réflexion, …).

Ossip ZADKINE

(né en 1890 à Vitebsk, Russie ; décédé en 1967 à Paris)

Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas et Autres poèmes de Claude Aveline, 1965

Poèmes de Claude Aveline accompagnés de 18 lithographies ; livre en feuilles sous couverture et étui

Donation Claude & France Lemand

En 1949, Claude Aveline rencontre Zadkine à l’occasion de la première rétrospective qui lui est consacrée à Paris, au Palais de Tokyo. Les deux hommes se lient d’amitié (leurs parents étaient originaires du même village en Russie) et en 1957 Zadkine contribue à la première « volière » du poète. En 1964, Zadkine déploie les ailes de son imagination et dessine en couleur 18 Portraits qui sont gravés pour l’édition de l’ouvrage publié à Genève. Il s’agit d’oiseaux-hommes expressionnistes ou baroques, d’oiseaux-chimères oniriques et poétiques.

Saul KAMINER

 (né en 1952 à Mexico, Mexique)

Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2005, Poème manuscrit en français, sous couverture et étui peints
Donation Claude & France Lemand

Le Portrait est pour Kaminer un oiseau-totem. Dans les civilisations indiennes préhispaniques, tout homme naît avec un totem qui l’accompagne tout au long de sa vie. Son oiseau-totem le protège des agressions extérieures et lui permet d’accéder au monde non-rationnel de l’intuition. L’artiste assimile l’oiseau à l’Homme et à la Nature. En s’identifiant à lui, l’artiste pense accéder ainsi à la liberté.

Abdallah BENANTEUR

(né à 1931 à Mostaganem, Algérie ; décédé à Paris en 2017)

Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2004, Livre unique en feuilles comportant 11 empreintes originales et 10 aquarelles
Donation Claude & France Lemand

Benanteur était un typographe, maquettiste et graveur de génie, réalisant ses ouvrages sur une presse à bras dans son atelier. Pour chacun de ses livres uniques, l’artiste varie le format, la mise en page, le papier, les techniques d’illustration et le façonnage, qui lui donnent un rythme original de lecture.

Franck CHARLET

(né en 1965 à Paris, France)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2006, Poème manuscrit en français accompagné de dessins au feutre, feuilles reliées en accordéon
Donation Claude & France Lemand

L’artiste pratique un style expressionniste « sans virtuosité et sans manière, pour se retrouver nu et libre face au support blanc ». Les nombreux Portraits qu’il dessine sont des humains-oiseaux, hommes ou femmes, avec l’un des attributs des oiseaux (bec, ailes, pattes, queue), déformés, hypertrophiés, parfois masqués. Sa vision cauchemardesque possède aussi un côté drolatique, grotesque et humouristique.

Nicolas D’OLCE

(né en 1962 à Draguignan, France)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1996, Poème manuscrit en basque et en français, livre et couverture en papier, entièrement peints
Donation Claude & France Lemand

Le poème de Claude Aveline a inspiré à D’Olce trois livres d’artiste – un petit, un moyen, un géant – entièrement peints sur papier ou sur toile, dans le style expressionniste et haut en couleur de sa période de rêveur et de grand voyageur.

Boutros AL-MAARI

(né en 1968 à Dams, Syrie)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2004, Livres manuscrits et peints avec une reliure en carton peint, dans un coffret en bois peint à l’intérieur et à l’extérieur
Donation Claude & France Lemand     

Dans les deux livres qu’il consacre au poème de Claude Aveline, Al-Maari transcrit le texte en français et en arabe. L’oiseau-conteur est le personnage central des soirées dans les cafés traditionnels de Damas et des principales villes du Proche-Orient arabe, dont les récits héroïques ou facétieux tenaient en haleine soir après soir un auditoire d’hommes et d’enfants. L’iconographie est dans l’esprit des peintures sous verre et des manuscrits enluminés populaires.

Abderrahmane Ould MOHAND

(né en 1960 à Alger, Algérie)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1996, Livre unique en feuilles entièrement manuscrit et peint, sous couverture illustrée
Donation Claude & France Lemand

Mohand a découvert le poème de Claude Aveline à un moment de son parcours artistique où sa peinture était totalement abstraite, mais doublée d’une recherche sur le signe. Il a relevé le défi de la figuration et réalisé deux livres somptueux, pour enfants et pour adultes, dans une synthèse personnelle entre les anciens manuscrits enluminés maghrébins et andalous, les dessins des terres cuites et des tapis berbères, et la renaissance contemporaine des arts du livre pour la jeunesse.

SADKO

(né en 1945 à Paris, France)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1996, Poème manuscrit et dessiné au pastel sur papier
Donation Claude & France Lemand

Sadko (Andrei Hoffman) se définit comme « un Russe de Paris ». Son Portrait, véritable poésie calligraphique, ressemble à ses sculptures, un oiseau-homme filiforme qui ne vole pas mais marche sur un réseau de fils, dans un mouvement ascendant. L’homme, réduit à sa véritable dimension, se trouve confronté à l’immensité de l’univers, mais auquel il donne un sens et une âme.

Mario MURUA

(né en 1952 à Valparaiso, Chili)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2004, Poème traduit en américain, manuscrit et peint sur papier, sous étui peint
Donation Claude & France Lemand

Artiste latino-américain majeur de sa génération, Murua fonde en 1982 le groupe Magie-Image avec des compatriotes de Paris. Le poème de Claude Aveline l’inspire pour une multitude d’œuvres sur papier, notamment des Oiseaux-livres multicolores conçus pour être suspendus et ouverts. D’autres travaux interprètent l’Oiseau comme un être cosmique, à la fois aquatique et aérien.

Edouardo ZAMORA

(né en 1942 à Nuevo Laredo, Mexique)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1996, Livre unique en feuilles composées en doubles pages, peintes, avec le poème manuscrit en français
Donation Claude & France Lemand

« Je n’arriverai jamais plus, dans la réalité, là où m’emmènent mes tableaux. Avec eux, j’arrive à ce pays auquel je rêve… le Mexique (il est établi à Paris depuis 1973). C’est comme une femme, une amante ou une mère, qui m’attend. » Zamora adapte le poème de Claude Aveline à son univers baroque.

Hussein TAÏ

(né en 1966 à Bagdad, Iraq)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2013, Livre peint, relié en accordéon
Donation Claude et France Lemand

Peintre, graveur et artiste du livre, Taï témoigne ainsi : « Sur le plan de la forme et de la représentation, ce Portrait m’a libéré de l’image habituelle de l’oiseau. Je me suis retrouvé face à moi-même. Je me suis posé plein de questions. Des images et des récits des civilisations mésopotamiennes sont remontés à ma conscience ; mon imaginaire a été activé lui aussi. » 

Manabu KOCHI

(né en 1954 à Okinawa, Japon)
Trois Portraits de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 2012, Sculptures en plâtre sur armature métallique, peintes à l’acrylique
Donation Claude & France Lemand

L’oiseau, attentif au monde et doué de pensée, était déjà présent dans les œuvres de Kochi avant sa rencontre avec Claude Lemand. On le retrouve à partir de 1995 en une multitude de sculptures, de peintures sur différents supports, et de gravures. Kochi traduit le poème de Claude Aveline en japonais et dit à son propos : « Je me suis inspiré de ce poème qui exprime la raison d’être de l’existence humaine. Devenir un véritable oiseau, c’est se trouver, se connaître et construire sa propre identité. »

SOPHIDO

(née en 1963 à Paris, France)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1996, Livre unique, poème en français accompagné de 14 lavis originaux sous couverture avec un relief peint
Donation Claude & France Lemand

Les chats, chiens et oiseaux expressifs de l’artiste s’inscrivent dans la lignée de ses aînés, Germaine Richier et César. Dans les années 1950 et 1960, Claude Aveline fréquentait la galerie tenue par la mère de Sophido, Colette Creuzevault, où il rencontra plusieurs des Oiseleurs aux deux « volières » qu’il allait constituer.

Toni SOULIÉ

(né en 1955 à Paris, France)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1996, Livre unique, poème manuscrit en français et en italien, 4 feuilles peintes en triptyques, dans une mallette peinte
Donation Claude & France Lemand

L’artiste appartient à la Nouvelle abstraction française des années 1970-1980. Il est connu pour ses peintures sur photographies, ses nombreux livres d’artiste composés avec des poètes, ses sculptures et ses estampes. Les oiseaux de son Portrait ressemblent à des œufs posés sur une surface plane, sur le point d’éclore pour donner naissance à d’autres oiseaux.

Antonio SEGUÍ

(né en 1934 à Córdoba, Argentine)
Angelito, 2011, Acier Corten (atelier d’art José Luis Ponce, Madrid)
Donation Claude & France Lemand

L’homme, omniprésent dans l’œuvre de Seguí, traduit l’aliénation qui départit l’individu de tout ce qui lui est propre pour le réduire à son seul comportement social, à une image modèle. Il est affublé ici des ailes de l’Oiseau, dans un désir d’envol pour quitter ce monde ; cette vision conjugue tragédie et cocasserie, élégie et satire.

Daniel KNODERER

(né en 1948 à Paris, France)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas, 1990-1992, Reliure originale sur un exemplaire de l’ouvrage éponyme de Zadkine-Aveline, plats recouverts de cuir et de papier incrustés de métal, surmontés de pièces de plastique
Donation Claude & France Lemand

Ainsi s’exprime l’artiste : « Je relie uniquement les livres que j’ai lus, que j’aime, qui m’intéressent. C’est quand j’ai assimilé le texte et son illustration que mon travail peut commencer. Les choix techniques et plastiques – couleurs, matières –  s’imposent à moi. Je réalise moi-même toutes les opérations sur mes reliures. Cela m’est essentiel. Je travaille à toute vitesse, dans l’urgence de voir la suite. On peut penser que c’est de la provocation d’utiliser des objets du quotidien et étrangers à la reliure. C’est l’univers de l’auteur qui me motive. »

Vladimir VELICKOVIC

(né en 1935 à Belgrade, Yougoslavie, décédé en 2019 à Paris).
Corbeaux, 2014, Technique mixte sur toile
Donation Claude & France Lemand

La mort est omniprésente dans l’œuvre de Velickovic ; il n’y a pas d’espoir, de rêves, seulement des cauchemars. Le poème de Claude Aveline lui a inspiré ce tondo sobre et puissant, qui s’inscrit dans la série qu’il a intitulée Corbeaux. Son charognard s’acharne sur l’homme, tout autant victime que bourreau.

Chaouki CHOUKINI

(né en 1946 à Choukine, Liban)
Portrait de l’Oiseau-Qui-N’Existe-Pas 1 et 2, 2013, Bronze original
Donation Claude & France Lemand

L’écrivain et poète Salah Stétié écrit au sujet de Choukini : « Cet homme venu du Liban, pays de pierres et de soleil, est toujours attentif à la sincérité des choses et des formes […] privilégiant par moments la musique de la matière et par moments la représentation objective. Cet équilibre savant fait frémir d’émotion chacune de ses créations. » Il a gravé son Portrait de l’Oiseau dans le bois comme dans le bronze.

Claude MOLLARD

Qui n’a pas rêvé de pouvoir, comme l’oiseau, voler, marcher, nager, chanter, tout à la fois ? L’oiseau, être mythique, est représenté dès la Préhistoire. Il fait rêver les enfants. Mes photographies d’oiseaux sont des Origènes, de drôles d’oiseaux. Ce ne sont pas des rêves d’oiseaux, mais de vrais oiseaux, puisque je les ai photographiés ! Ils existent, ils sont libres et ils viennent de partout. Ils sont nés dans la nature.

Article publié le11/05/2020

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