Spectacles

Hommage à Cheikh El Hasnaoui et Slimane Azem

  • 7 Novembre 2003 - 8 Novembre 2003
Hommage à Cheikh El Hasnaoui et Slimane Azem
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La légende d’un Cheikh
Né Mohamed Khelouat le 23 juillet 1910, à Hasnaoua (banlieue de Tizi-Ouzou), El Hasnaoui débarque à Paris vers 1937, après avoir vécu quelque temps à Alger. La légende prétend que cet inconditionnel du chaâbi, ami de Hadj El Anka, a quitté l’Algérie par… dépit amoureux. Follement épris d’une prénommée Fadhma, omniprésente dans ses « oeuvres », il se serait vu refuser la main de la belle parce qu’il était pauvre et sans situation stable. Écœuré, il prend le large et, à l’instar de pas mal de ses collègues, entame sa carrière artistique dans les cafés maghrébins, transformés chaque samedi soir et dimanche matin en salles de spectacles. En 1946, El Hasnaoui enregistre chez Odéon des morceaux révélateurs de l’état d’esprit de l’immigration d’alors : Ayemma, Yemma (mère, donne-moi ta bénédiction), Ijah Errayis (la vie dissolue) et Ayatwakal Aberkane (vibrant hommage à la terre natale). En 1968, aigri par le manque de reconnaissance, il quitte définitivement la scène. Il vit d’abord à Nice, d’une petite retraite, complètement isolé et refusant toute visite, avant de s’installer à Saint-Pierre de la Réunion, où il meurt le 6 juillet 2002. Redécouvert dans les années 70 par les intellectuels kabyles, il est depuis diffusé régulièrement sur les ondes de la chaîne II (kabyle), et ces derniers temps des jeunes artistes comme Hamidou, Kamel Messaoudi, El Meskoud ou DuOud ont remis à l’honneur quelques-uns de ses succès.

Les fables de Si Slimane
Mis à part Cheikh El Hasnaoui et El Harrachi, jamais un chanteur n’aura symbolisé avec autant de véracité le drame de l’exil. Né en 1918 à Agouni Gueghrane (Grande- Kabylie), Slimane Azem est contraint de s’installer en France en juillet 1962. Il devient une voix légendaire, que les Algériens ne peuvent écouter que sur Radio Paris, dans son quart d’heure kabyle quotidien, car il est interdit d’antenne dans son propre pays et ses disques ne circulent que sous le manteau. Pour lire son nom dans un quotidien algérien (en minuscules, dans une brève), il faudra attendre 1970 — année où il obtient, avec la chanteuse Noura, un disque d’or, qui l’impose comme une des meilleures ventes hexagonales et le fait entrer, en même temps que de grandes vedettes françaises, comme sociétaire à la Sacem. Au fil des enregistrements, Slimane Azem conquiert un large public communautaire grâce à des textes-paraboles où il met en scène des animaux, et se pose comme un chanteur engagé politiquement. Il meurt le 28 janvier 1983 à Moissac. Aujourd’hui encore, la jeune garde artistique kabyle perpétue sa mémoire à travers des reprises de ses chants les plus bouleversants, ceux qui décrivent le mieux la tragédie d’un être libre, certes, mais avec des barreaux dans la tête.

Yahiaten, la voix de miel
Né en 1933 à Aït-Mendès, un village haut perché sur les hauteurs des montagnes du Djurdjura, Akli, très tôt orphelin de père, est élevé par sa mère et ses oncles. À 12 ans, fâché prématurément avec l’école — dont il ne connaît que le portail, il fugue et part à Alger, où il est recueilli par des cousins et où il exerce divers petits métiers. En 1945, surpris dans une manifestation, il se retrouve en maison de correction, avant d’être récupéré par sa mère. En 1952, sans le moindre sou en poche, il « grille » bateau et train pour débarquer à Paris, la ville qui décidera de sa vocation artistique. Garçon de café au « Dupont » de Montparnasse, ouvrier chez Citroën, il ne lâchera jamais la mandoline qui lui permet de rompre la monotonie de ses journées de labeur. Il commence à fréquenter le milieu artistique maghrébin et oriental de Paris, tout en connaissant plusieurs fois la prison pour activisme pro-FLN. C’est là qu’il compose la chanson Ya El Menfi, reprise par Rachid Taha dans son album Diwân (Barclay/Universal). Chanteur à la voix de miel et excellent joueur de oud (luth), ce chantre de l’« immigritude » a composé de nombreux succès, dont Ay-axxam, adapté sous le titre La Tarara par le groupe espagnol Radio Tarifa.Hasnaoui Amechtouh, l’héritierLe chaâbi s’est certes nourri des apports de l’art andalou, mais, au niveau de la rythmique, il a beaucoup puisé dans la tradition kabyle, et la plupart de ses représentants — à commencer par le maître fondateur, Hadj El Anka — sont originaires de Kabylie. Cette région emblématique, au répertoire riche de divers styles mélodiques, use volontiers du genre chaâbi, à l’image du regretté Lounès Matoub et surtout du cher disparu, le vénérable Cheikh El Hasnaoui, auquel Madjid Aït-Rahmane (né le 17 mars 1953 dans les Ouacif, du côté de Tizi-Ouzou), fait référence par filiation patronymique. À l’âge de 8 ans, Amechtouh (« petit », en kabyle) se découvre une passion pour la musique, et en particulier pour El Hasnaoui. Il joue de la mandole et reprend des chants de son idole, puis enregistre son premier 45t en 1976, incluant des compositions personnelles. Une émission populaire, « Chanteurs de demain », sur la chaîne II (kabylophone) révélera définitivement sa voix rocailleuse et l’imposera comme le meilleur
élève de l’école Hasnaoui.

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