
Prix du Design de l'Institut du monde arabe : les lauréats 2025
Les membres du jury de la 3e édition du Prix du design de l'IMA 2025 se sont réunis mercredi 3 septembre pour délibérer. Voici les 5 lauréats :
- Talent émergent : bahraini-danish
- Artisanat contemporain : Studio Saffar
- Impact, ABS : Creative Space Beirut
- Grand Prix : Ala Tannir
- Prix du jury : Elias Khuri
Talent émergent : bahraini-danish, Surface!, 2024
Barheïn-Danemark
bahraini-danish est un bureau d’architecture qui s’intéresse tout particulièrement à l’environnement immédiat, à l’histoire et à la culture. Objets de design, bijoux, meubles, installations, intérieurs et bâtiments…, ses réalisations touchent à de nombreux domaines. Concerné autant par le passé et le présent que par l’avenir, le bureau, parallèlement à la fabrication d’objets et d’environnements, est aussi un lieu de recherche, d'écriture et de photographie dédié à ce vaste domaine de recherche.
Développé dans le cadre d’une résidence à AlUla, Surface ! est un système flexible composé de demi-tubes en acier inoxydable qui s’emboîtent les uns dans les autres.
Entre écran, palissade, rideau et mobilier, interface entre les matériaux, les espaces et les topographies, l’œuvre fonctionne tantôt comme une armature d’ombrage, tantôt comme une cloison. Sa forme adaptable lui permet de servir de médiateur entre différents publics, structures privées et temporaires qui apparaissent dans différents environnements et milieux.

Bahraini - Danish © Ghada Khunji

Bahraini-danish, Surface !, 2024. D.R.
Artisanat contemporain : Studio Saffar, Dual Domes, 2022-2025
Koweït-Liban
Kawther Alsaffar, designer de produits koweïtienne, a obtenu une licence en design industriel à la Rhode Island School of Design (RISD) en 2012, et une maîtrise en design de produits au Royal College of Art de Londres (RCA) en 2016. À la RISD, elle s’est plongée dans l’apprentissage de diverses techniques artisanales. Au RCA, elle a fait son apprentissage à la fonderie de sculptures de Battersea et a effectué des recherches poussées sur les fonderies du Royaume-Uni et au Koweït, les différents processus utilisés et leurs limites.
Fondatrice en 2014, au Koweït, de Studio Saffar, Kawther Alsaffar crée des œuvres moulées dans le sable, enracinées dans l’artisanat local : des sculptures qui remettent en question la définition générique du luxe et promeuvent le grain du sable local.
Les Dual Domes sont fabriqués selon un procédé de double coulée développé en 2015 par Kawther Alsaffar, avec le défunt maître artisan Mahir Mohammad, à la fonderie Alwafi au Koweït ; il s’agit d’une forme particulière de moulage au sable utilisant deux métaux différents.
L’industrie de l’artisanat au Moyen-Orient est un fragile écosystème de talents et de compétences. En raison de l’homogénéisation de la production mondiale et de la dévalorisation du travail manuel, les savoir-faire ne sont plus transmis de génération en génération. La fabrication des Dual Domes nécessite une communauté d’artisans – machinistes, finisseurs de métaux, charpentiers –, et ils sont composés de matières premières puisées au Liban et en Syrie. Ils sont la célébration d’une communauté d’artisans et de concepteurs issus du Moyen-Orient autant que d’une économie circulaire.

Kawther Alsaffar © Tarek Moukaddem

Kawther Alsaffar, Dual Domes, 2022-2025 © Tarek Moukaddem
Impact, Arab Bank Switzerland : Creative Space Beirut
Liban
En 2011, Caroline Shalala-Simonelli (28 mars 1938-22 novembre 2024) cofonde avec Sarah Hermez Creative Space Beirut (CSB), une école de stylisme gratuite, destinée aux jeunes talents issus de communautés défavorisées à travers le Liban. Pendant treize ans, elle se consacrera à la construction de l’école, dont elle a façonné la vision, et y enseignera, nourrissant d’innombrables étudiants. Son héritage se perpétue à travers l'institution florissante qu'elle a contribué à créer, et aux nombreuses vies qu'elle a transformées.
Institution à but non lucratif, Creative Space Beirut offre un programme rigoureux de bourses d’études de trois ans en design de mode. En supprimant les barrières financières et en donnant la priorité au mérite, l'école redéfinit l’accès à l’éducation créative, en veillant à ce que la prochaine génération de designers arabes soit façonnée par le talent, et non par les privilèges.
Son modèle éducatif intègre la préservation culturelle, l’apprentissage par l’expérience et les initiatives d’impact social. Les étudiants s’engagent dans des projets qui explorent l’artisanat patrimonial, la durabilité et les récits sociétaux contemporains, ce qui favorise l'émergence d'une génération de créateurs techniquement compétents, culturellement sensibles et socialement conscients.
L’institution a également un impact sur l’environnement, la formation étant axée sur la durabilité et sur les pratiques de production responsables. Les étudiants apprennent le recyclage, la teinture naturelle, l’utilisation des stocks dormants et les techniques de conception zéro déchet, en intégrant dès le départ la gestion de l’environnement dans leurs processus créatifs.

© Creative Space Beirut

© Creative Space Beirut
Grand Prix : Ala Tannir, And from my heart I blow kisses to the sea and houses / Et du fond du cœur, j'envoie des baisers à la mer et aux maisons, 2024
Liban
Ala Tannir est architecte et conservatrice à Beyrouth. Elle a occupé différents postes de conservatrice au Carnegie Museum of Art, au Museum of Modern Art (MoMA), à la Biennale de Venise (2021) et à la Triennale de Milan (2019).
Son projet le plus récent, And from my heart I blow kisses to the sea and houses (« Et du fond du cœur, j'envoie des baisers à la mer et aux maisons ») raconte l’histoire d’une maison des années 1920, implantée sur le littoral en pleine mutation de Beyrouth, à un tournant critique de son histoire. Plutôt que de s'appuyer sur des méthodes traditionnelles de conservation architecturale, ce projet convoque des stratégies artistiques expérimentales pour réhabiliter de manière créative l'architecture du bâtiment, et en faire un laboratoire culturel de recherche sur l'étude des paysages de l'est et du sud de la Méditerranée.
Dans une ville où l’instabilité politique et la spéculation déplacent régulièrement les gens, effacent la mémoire et déchirent le tissu urbain, la réhabilitation de cette maison et sa transformation en « enquête culturelle » est un acte de résistance, discret mais ferme, contre ces différentes formes de violence.

Ala Tannir © Mohamad Kanaan

Ala Tannir, Yumum Jana Traboulsi © Vicken Avakian
Prix du jury : Elias Khuri
Palestine
Elias Khuri est architecte. Né en 1975 à I'billin, en Galilée, il est diplômé (2005) de la Faculté d'Architecture de l'Université polytechnique de Milan. Son travail porte sur l'exploration du paysage culturel de l'architecture méditerranéenne et arabe. Basé à Haïfa, son studio se concentre sur des projets qui tissent ce patrimoine avec l'éthique sociale et l'identité paysagère.
L'approche de Khuri est ancrée dans les dimensions émotionnelles et intuitives de l'espace, s'inspirant de l'architecture vernaculaire des villages palestiniens – tant ceux qui subsistent que ceux qui ont été effacés après 1948. Son projet La Maison des douze oliviers, Premier prix des Arab Architects Awards 2022, a été salué autant pour son éthique – la préservation d'une douzaine d'oliviers d'âge vénérable – que pour son exploration de la mémoire, de la continuité et de la présence à travers l'architecture.
Khuri est le fondateur et rédacteur de Tanas, blog en langue arabe consacré à l'architecture; il a siégé dans de nombreux jurys d'architecture.

L'architecte palestinien Elias Khuri © Azure / D.R.

La cour intérieure du khan Jaljulya (14e siècle), Palestine, revisitée par l'architecte Elias Khuri. D.R.