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Candidats finalistes du Prix du design 2025 | #2 : Artisanat contemporain

Découvrez les finalistes du 3e Prix du design de l'Institut du monde arabe, dans la catégorie « Artisanat contemporain ». Rendez-vous en septembre pour connaître le nom du lauréat ou de la lauréate 2025…

Ateliers Zelij, Maroc-France
Froisser les murs

Ateliers Zelij est né en 2003 de la rencontre, au cours d’une formation en design industriel, de Samir Mazer, artiste, avec Delphine Laporte, architecte d’intérieur, tous deux passionnés par les revêtements de surface et les matières artisanales et par la fusion entre design, innovation et artisanat.

Le zellige est le premier matériau qu'ils ont investi et dont ils ont fait un extraordinaire champ d’expérimentation. Samir Mazer, entité créative du duo, casse les codes pour créer un nouveau langage, jouant avec les formes, les textures et les nuances. Le zellige est ainsi projeté dans une nouvelle ère.

Avec Froisser les murs, Ateliers Zelij propose une expérience sensorielle où chaque pli raconte un fragment d’humanité, tissant un lien entre visible et invisible, créant des surfaces sculpturales dédiées à l’architecture et au design contemporain.

Samir Mazer © Luciano Spinelli

Samir Mazer, Froisser les murs © Luciano Spinelli

Anissa Bedoui, Tunisie
Origin(e)

Consultante en design, spécialisée dans la création d’espaces et objets contemporains ancrés dans le patrimoine méditerranéen, Anissa Bedoui s’est formée aux Beaux-Arts de Tunis. Sa pratique du design puise à un socle artistique rigoureux et sensible, enrichi par une double spécialisation en sciences et technologies du design. Cette approche lui permet de l’aborder comme un langage complet, où l’esthétique rencontre l’usage, et où chaque création porte une intention profonde.

“Meriem” est la première pièce de la collection Origin(e), une série d’objets qui se veut exploratrice de la mémoire artisanale et des matériaux bruts à travers une approche contemporaine du design. Ce miroir mural façonné à la main en terre cuite incarne une quête : celle de reconnecter la création contemporaine, le savoir-faire ancestral et l’engagement écologique.

Anissa Bedoui © Bedissa Design Lab

Anissa Bedoui, Meriem, miroir mural © Bedissa Design Lab

BEIT Collective et Hamza Mekdad, Liban-France
The Essence of Home

Emilie Skaff est la fondatrice et directrice générale de BEIT Collective, une plateforme créative dédiée à la préservation et au développement de l’artisanat traditionnel par le biais du design contemporain. Avec une formation aux Beaux-Arts et aux Arts décoratifs de l’Institut d’art de Sotheby’s et une expérience pratique dans des galeries telles que la Galerie Kreo et les principales foires internationales, Emilie apporte à son travail une sensibilité unique de commissaire d’exposition.

Hamza Mekdad est directeur de création, artiste visuel et fondateur de Hammerspace, un studio de design multidisciplinaire basé entre Beyrouth et Dubaï. Connu pour avoir conçu certains des clubs, festivals et événements expérientiels les plus emblématiques de la région MENA, il s’inspire profondément de la culture visuelle et matérielle du Levant.

The Essence of Home réinvente des objets quotidiens – hachoir à viande, évier, brasero –  pour les transformer en vaisseaux sculpturaux de la mémoire. Aplatis en souvenirs bidimensionnels, puis “regonflés” par l’artisanat, ils en ressortent à la fois étranges et familiers ; symboliques, texturés et légèrement déformés, comme le sont souvent les souvenirs.

Chaque objet est fabriqué à l’aide de techniques traditionnelles du Levant : martelage du laiton, tournage du bois, broderie, matelassage et couture du cuir, des pratiques loin d’être simplement décoratives : ce sont des outils essentiels de continuité émotionnelle et culturelle.

Emilie Skaff & Hamza Mekdad © Drew Forsyth, courtesy Harewood House Trust

BEIT Collective, The Essence of Home, Harewood Biennial 2024 © Drew Forsyth, courtesy Harewood House Trust

Izri Design, Maroc
Collection Tissura 

Brahim Boucheikha est designer, typographe et enseignant. Il développe depuis plus de dix ans un travail autour des écritures multiscriptes (latin, arabe, tifinagh) et du design interculturel. Formé à la calligraphie arabe et au design graphique à Paris, il enseigne la typographie à l’ESAV de Marrakech et dirige Mistar, un studio de design graphique, et Babelfont, une fonderie de caractères.

Avec Izri Design, Brahim Boucheikha explore le lien entre formes typographiques, artisanat et objets du quotidien et, dans la collectionTissura (mot amazigh signifiant “superposition”), le potentiel graphique de l’écriture à travers un objet du quotidien : l’assiette.

Chaque pièce est pensée comme une composition typographique tridimensionnelle où les lettres – arabes, tifinagh ou latines – deviennent formes, rythmes et textures. Fabriquées au Maroc par des maîtres potiers et peintres sur céramique, ces assiettes sont façonnées à la main, dans une logique de production durable et de respect des savoirs-faire locaux. La typographie y est appliquée à la main ou au pochoir, en peinture céramique, avant cuisson.

Tissura incarne ainsi la volonté d’Izri de faire dialoguer la lettre et la matière, le patrimoine et la modernité, dans des objets à la fois chargés de mémoire et résolument tournés vers l’avenir.

Brahim Boucheikha © B. Boucheikha

Brahim Boucheikha, collection Tissura © B. Boucheikha

Shewekar Elgharably, Égypte
The Juzur Armchair

Après avoir obtenu une licence en administration des affaires à l’université américaine du Caire, Shewekar Elgharably, passionnée par l’architecture et le design, obtient une licence en décoration d’intérieur à l’Université internationale d’art et de design de Miami. De retour en Égypte en 2002 avec une inspiration renouvelée, elle crée son propre studio de design d’intérieur.

En 2017, elle élargit son champ d’action à la conception de meubles et lance Shewekar, sa ligne de meubles de luxe.

Ode au palmier, ce fauteuil incarne notre lien avec la nature. Le dossier fait écho à la fois à la colonne vertébrale de l’homme et aux racines de l’arbre, rappelant ainsi nos origines communes. Ses placages de toute finesse aux motifs audacieux et aux vives couleurs en font une enchanteresse pièce d’apparat.

Shewekar Algharably © S. Algharably

Shewekar Algharably, The Juzur Armchair © S. Algharably

Julia Ibbini, Jordanie-Angleterre
Kyyma : vessel 

La pratique de Julia Ibbini explore les langages du motif et de l’ornement par le biais de l’artisanat et de l’informatique. Elle étudie l’évolution des motifs, cherchant à comprendre comment ils ont traversé les cultures et les continents au fil des siècles. La géométrie, la structure et les systèmes de répétition sont au cœur de sa pratique, permettant d’atteindre des niveaux élevés de complexité grâce à une simplicité sous-jacente. Une grande partie de son intérêt réside dans la rupture avec les règles et la structure afin de créer de nouvelles façons de voir l’ornementation ; la symétrie est brisée, les modèles déconstruits.

Dans cette pièce, un treillis complexe de courbes en cimaise répétées et réfléchies a été développé pour le motif. Julia Ibbini brise le motif, permettant aux structures sous-jacentes d’être exposées, et prolonge les lignes courbes de manière à ce qu’elles ondulent sur la surface de la pièce, apparaissant presque comme des fils.

En collaboration avec l’informaticien Stéphane Noyer, qui développe sur mesure toute la géométrie informatique et l’ingénierie logicielle nécessaires à la création des œuvres, le processus de fabrication remet en question les applications industrielles typiques en combinant des techniques et des matériaux de manière inhabituelle. Les algorithmes de géométrie informatique, souvent utilisés pour l’analyse scientifique, servent ici à calculer l’application précise de motifs détaillés sur des formes tridimensionnelles. Le moulage en feuille, généralement utilisé dans les grandes applications industrielles, est appliqué ici à l’échelle miniature.

Julia Ibbini © J. Ibbini

Julia Ibbini, Kyma, vessel  © J. Ibbini

Sara Jomaa, Tunisie
Filigrane - Tamtouma - Infini - Contemporain

Originaire de Ksour Essaf, Sara Jomaa a grandi dans une région reconnue pour son artisanat exceptionnel, où le tissage de la soie, la broderie et la bijouterie en fil d’argent et d’or sont des traditions vivantes. Dès son plus jeune âge, elle est initiée aux arts manuels par sa mère et développe un intérêt pour la création.

Diplômée des Beaux-arts de Tunis en design produits, elle esquisse ses premières créations de bijoux puis ouvre son propre atelier de bijouterie. Peu à peu, elle apprivoise chaque étape de la confection, jusqu’à maîtriser pleinement l’ensemble du processus, de la conception à la pièce finie.

Son travail est une fusion entre héritage et innovation, débouchant sur des pièces uniques qui racontent une histoire, la sienne et celle de son patrimoine. Le fil d’argent est le matériau de prédilection des bijoux de Sara Jomaa : il relie les formes, les mémoires, les symboles qu’elle collecte et réinterprète.

Sara Jomaa rend ainsi hommage aux maîtres artisans du passé et puise dans les motifs vernaculaires – le zigzag, l’infini, la queue de poisson, le filigrane – non pas pour les figer, mais pour en libérer la dynamique. Le bijou se fait architecture vivante : il se déploie, s’attache au corps, dialogue avec le vêtement ou l’allure. 

Ce projet témoigne de la fascination de la créatrice pour les objets anciens du quotidien, ces « maîtres silencieux » comme les appelait Rosanjin. Dans cette collection, elle fait apparaître ce que l’artisanat recèle de contemporain : sa capacité à muter, à émouvoir, à proposer des formes nouvelles à partir de gestes anciens. Le design l’aide à structurer cette vision, à organiser le langage, tandis que l’artisanat la relie au sensible, au temps lent.

Sara Jomaa © Nicolas Fauqué

Œuvre de Sara Jomaa © Nicolas Fauqué

Dorra Khlass, Tunisie
Blossom, Vibes

Dorra Khlass est architecte, designer et céramiste. Fondatrice à Tunis de Salsal Studio, elle explore la céramique comme une matière vivante, façonnée par le geste, le feu et le temps.

Inspirée par les ornementations arabo-islamiques et l’architecture de la médina, sa démarche s’inscrit dans un design contemporain ancré dans l’artisanat, où la lenteur, la matérialité et la singularité du geste sont centrales.

La collection Blossom regroupe des luminaires en céramique ; inspirée par une géométrie florale, elle célèbre une harmonie subtile entre simplicité formelle et symbolisme profond : chaque luminaire dévoile une structure en six pétales qui s’épanouissent autour d’un centre, rappelant la cyclicité de la nature et l’interconnexion des formes. 

Les tables Vibes s’inspirent du motif géométrique ancestral souvent appelé “le souffle du Tout Miséricordieux”, un symbole d’équilibre entre expansion et contraction, deux mouvements essentiels à la nature et à la vie. Ces tables en céramique combinent savoir-faire artisanal et esthétique contemporaine.

Dorra Khlass © Walid Hamdi

Dorra Khlass, Tables Vibes © Walid Hamdi

Studio Saffar, Koweït-Liban
Dual Domes

Kawther Alsaffar, designer de produits koweïtienne, a obtenu une licence en design industriel à la Rhode Island School of Design (RISD) en 2012, et une maîtrise en design de produits au Royal College of Art de Londres (RCA) en 2016. À la RISD, elle s’est plongée dans l’apprentissage de diverses techniques artisanales. Au RCA, elle a fait son apprentissage à la fonderie de sculptures de Battersea et a effectué des recherches poussées sur les fonderies du Royaume-Uni et au Koweït, les différents processus utilisés et leurs limites.

Fondatrice en 2014, au Koweït, de Studio Saffar, Kawther Alsaffar crée des œuvres moulées dans le sable, enracinées dans l’artisanat local : des sculptures qui remettent en question la définition générique du luxe et promeuvent le grain du sable local.

Les Dual Domes sont fabriqués selon un procédé de double coulée développé en 2015 par Kawther Alsaffar, avec le défunt maître artisan Mahir Mohammad, à la fonderie Alwafi au Koweït ; il s’agit d’une forme particulière de moulage au sable utilisant deux métaux différents.

L’industrie de l’artisanat au Moyen-Orient est un fragile écosystème de talents et de compétences. En raison de l’homogénéisation de la production mondiale et de la dévalorisation du travail manuel, les savoir-faire ne sont plus transmis de génération en génération. La fabrication des Dual Domes nécessite une communauté d’artisans – machinistes, finisseurs de métaux, charpentiers –, et ils sont composés de matières premières puisées au Liban et en Syrie. Ils sont la célébration d’une communauté d’artisans et de concepteurs issus du Moyen-Orient autant que d’une économie circulaire.

Kawther Alsaffar © Tarek Moukaddem

Kawther Alsaffar, Dual Domes © Tarek Moukaddem

Yassine Touati, Maroc

Yassine Touati est un designer marocain canadien spécialisé dans les accessoires en cuir et les bijoux. Particulièrement influencé par son héritage andalou, il s'est initié lors de nombreux séjours dans la ville médiévale de Fès au riche monde de l’artisanat. 

Artiste multidisciplinaire, il s’intéresse à la mode, à l’histoire, aux langues et à la gastronomie. Assistant de recherche pour Ella Shohat, professeur d’études culturelles à l’université de New York, il a traduit des textes arabes et analysé les contributions intellectuelles des juifs irakiens au monde arabe. Il développe sa propre entreprise depuis 2024.

Yassine Touati © Reuben Stewart

Yassin Touati, bracelets en cuir argenté. D.R.