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Candidats finalistes du Prix du design 2025 | #1 : Talent émergent

Découvrez les finalistes du 3e Prix du design de l'Institut du monde arabe, dans la catégorie « Talent émergent ». Rendez-vous en septembre pour connaître le nom du lauréat ou de la lauréate 2025…

Abdulrahman Al Muftah, Qatar
Rain on Materiality 

Le travail du designer multidisciplinaire qatari Abdulrahman Al Muftah porte sur la nature, l’innovation, la conceptualité et un lien profond avec la culture arabe immatérielle. Après avoir étudié l’architecture d’intérieur à la Parsons School of Design et le design d’entreprise à la Virginia Commonwealth University, il poursuit actuellement un doctorat en sciences humaines et sociales.

Trois grandes feuilles de cuivre peintes illustrent de manière saisissante la façon dont chaque gouttelette de pluie qui y est gravée crée un récit, nostalgique, sur les panneaux d’affichage métalliques disséminés dans le paysage du Qatar. Cette œuvre explore l’interaction dynamique entre les structures construites par l’homme et la nature. Dans un paysage où le développement urbain rencontre les éléments, l’art d’Al Muftah reflète l’équilibre délicat entre ces forces contrastées.

Abdulrahman al-Muftah © Courtesy of Fire Station 2

Abdulrahman al-Muftah, Rain on Materility © A. al-Mutfah

Kenan Alkuwatly, Syrie
SYNTH Collection 

Kenan Alkuwatly est un designer-chercheur né à Damas, actuellement basé en Allemagne. Son travail porte principalement sur l’artisanat traditionnel du Levant et sur le manque de dialogue entre celui-ci et la scène du design contemporain, dans la région et dans le monde. Il étudie les défis auxquels cet artisanat est confronté et explore les possibilités de le préserver.

La collection SYNTH a été développée pour explorer deux questions centrales : comment l’artisanat peut-il être préservé et recontextualisé dans le XXIe siècle ? Comment le design et la technologie numérique peuvent-ils remodeler notre compréhension de la préservation elle-même ?

Au fil du temps, la signification du terme « artisanat » a évolué, passant du travail purement manuel à un ensemble plus large de valeurs : la qualité, l’intentionnalité et la maîtrise.

SYNTH adopte ce point de vue en fusionnant l’incrustation traditionnelle de bois du Levant avec le design informatique contemporain, remettant en question les fausses frontières : fait main vs machine, traditionnel vs numérique, authentique vsinnovant.

Kenan Alkuwatly D.R.

Kenan Alkuwatly, Synth Collection D.R.

Bahraini - Danish, Barheïn
Surface! 

Bahraini - Danish est un bureau d’architecture qui s’intéresse tout particulièrement à l’environnement immédiat, à l’histoire et à la culture. Objets de design, bijoux, meubles, installations, intérieurs et bâtiments…, ses réalisations touchent à de nombreux domaines. Concerné autant par le passé et le présent que par l’avenir, le bureau, parallèlement à la fabrication d’objets et d’environnements, est aussi un lieu de recherche, d'écriture et de photographie dédié à ce vaste domaine de recherche.

Développé dans le cadre d’une résidence à AlUla, Surface ! est un système flexible composé de demi-tubes en acier inoxydable qui s’emboîtent les uns dans les autres.

Entre écran, palissade, rideau et mobilier, interface entre les matériaux, les espaces et les topographies, l’œuvre fonctionne tantôt comme une armature d’ombrage, tantôt comme une cloison. Sa forme adaptable lui permet de servir de médiateur entre différents publics, structures privées et temporaires qui apparaissent dans différents environnements et milieux.

Bahraini - Danish © Ghada Khunji

© Bahraini - Danish

Civil Architecture, Koweït
Sun Path, Rajab to Shawwal 1444 

Le travail de Civil Architecture s’intéresse à ce que signifie produire de l’architecture dans une époque résolument non civile. Depuis sa création par Hamed Bukhamseen et Ali Karimi, le cabinet a fait de nombreux adeptes pour ses travaux tournés vers un avenir alternatif au Moyen-Orient. Il aborde les thèmes de l’extraction, de l’écologie, écrivant de nouveaux récits environnementaux pour le Golfe exportateur de pétrole. Civil Architecture a notamment conçu le pavillon du Koweït à la Biennale de Venise de 2016, et son travail a été présenté à la Triennale d’architecture d’Oslo, à la Biennale de Séoul, à la Semaine du design d’Amman, au CAC de Cincinnati, à l’Expo 2020 et à la Biennale du design de Doha. Il a donné des conférences dans de nombreux établissements universitaires internationaux.

Traditionnellement, les cours des mosquées comportent un cadran solaire qui indique l’heure des cinq prières quotidiennes ; ce sont des espaces où le public peut aligner sa perception du temps sur le mouvement des corps célestes.

Puisant dans l’histoire de l’architecture de dispositifs tels que l’observatoire d’Ulug Beg ou celui de Jantar Mantar, l’installation Sun Path, Rajab to Shawwal 1444 traite l’architecture non pas comme une machine, mais comme un système de mesures plus proche d’un capteur, sentant et parfois s’alignant sur le mécanisme d’horlogerie de l’univers.

Hamed Bukhamseen et Ali Ismail Karimi, Civil Architecture © Marilyn Clark

Hamed Bukhamseen et Ali Ismail Karimi, Civil Architecture, Biennale de Jeddah © Laurian Ghinitoiu

Fares Dhifi, Tunisie
Comme un Phare 

L’approche créative de Fares est basée sur la narration. Inspiré par les récits de son enfance, il développe une esthétique hybride qui explore les liens entre imaginaire, mémoire et fonction à travers une matérialité sensible et des formes sculpturales.

En revisitant l’utilité fondamentale des outils techniques, physiques et numériques, il crée des objets saisissants et pratiques, brouillant les frontières entre abstraction et fonctionnalité.

Comme un Phare est une série de sculptures lumineuses en acier inoxydable fabriquées à la main qui fusionnent les sensibilités du design contemporain avec la profondeur de l’expression sculpturale. Chaque lampe est conçue comme un élément d’une trilogie lumineuse, servant de guide symbolique qui explore la relation entre la forme, la lumière et la narration.

Créé en Tunisie, un pays où le design contemporain de collection est encore émergent, le projet répond aux défis locaux en matière d’infrastructure de production, d’autonomie créative et de contraintes économiques. Il vise à revaloriser le rôle des objets quotidiens en tant que porteurs d’émotions et marqueurs culturels.

Fares Dhifi © Charaf Matoussi

Objet réalisé par Farès Dhifi © Chiheb Sammari

Badih Ghanem, Liban
Remember Love? 

Architecte libano-français né à Beyrouth en 1985, diplômé en architecture en 2009, Badih Ghanem travaille dans des agences d’architecture et de design urbain à Beyrouth avant de s’installer à Paris en 2010, où il poursuit un master en urbanisme.

En 2017, il crée son propre cabinet, travaillant à différentes échelles, de l’architecture d’intérieur au logement, en passant par les bureaux et les projets urbains. Son travail se définit par une approche minimale et épurée qui met l’accent sur les monomatériaux et s’inspire des objets du quotidien.

Remember Love? est née de la nécessité de faire face à la dissonance émotionnelle de la vie urbaine post-traumatique. Il s’agit d’une collection de cinq objets réfléchissants en acier inoxydable qui transforment des formes libanaises quotidiennes – une chaise en plastique, une lampe à gaz, une brique, un miroir et les silos à grains de Beyrouth – en vaisseaux de la mémoire et de l’endurance.

Chaque pièce réinterprète l’ordinaire pour explorer les thèmes de la fragilité, de l’identité et de la continuité face à la rupture sociale et politique en cours.

Badih Ghanem 

© Tarek Raffoul 

Badih Ghanem, collection Remember Love © Tarek Raffoul

Yasmin Tams, Palestine
Irth Siti

Designer/fabricante palestinienne originaire de Jérusalem, Yasmin Tams, très tôt Influencée par sa grand-mère et ses parents, a développé un lien profond avec la narration, l’artisanat et l’héritage culturel. Confrontée aux réalités politiques de son pays, Yasmin a choisi le design comme forme de résistance, axant son travail sur la préservation des traditions palestiniennes et arabes plutôt que sur l’adoption de langages de conception déconnectés. 

Dans de nombreux foyers palestiniens, le soin et la guérison sont un héritage transmis de mères en filles – non pas dans des livres mais à travers des récits, des odeurs, le toucher et la mémoire. Ces traditions sont menacées par la colonisation, les déplacements, la domination de la médecine moderne. Irth Siti explore la façon dont le design peut documenter et traduire des savoirs populaires en des formes contemporaines, de sorte de les préserver pour les générations futures. 

Les quatre objets de cette série sont fabriqués à la main, axés sur la narration, intégrant souvent des couches de mémoire culturelle et d’histoire personnelle : une compresse thoracique pour la toux ; une tasse à thé thérapeutique pour l’infusion et l’inhalation d’herbes médicinales ; un compte-gouttes pour les infections de l’oreille ; un chapelet pour introduire davantage de spiritualité dans le processus de guérison. S’éloignant de l’orientation de ses études de premier cycle en design industriel, Yasmin adopte désormais des méthodes plus lentes et plus intentionnelles qui honorent l’essence de chaque histoire et les communautés dont elles sont issues.

Yasmin Tams

Yasmin Tams, objects. © Maya Dabit

Djaffar Zizi, Algérie
Dunes

Designer-concepteur et architecte d’intérieur formé aux Beaux-Arts d’Alger et de Saint-Étienne, Djaffar Zizi considère le design comme une passion autant qu’un engagement. Il puise son inspiration dans le paysage, le patrimoine, la matière et le savoir-faire, qu’il cherche à valoriser afin d’affirmer une identité. Il accorde une grande importance à l’indissociabilité entre l’objet et l’espace, dans une quête constante de sens et de présence. Toujours en dépassement de lui-même, ses créations naissent de visions multiples et de sa propre histoire.

Tel un écho lointain des âges, l’océan et le désert se répondent en un dialogue silencieux de formes et de forces. Tous deux partagent une dynamique de surface, une mobilité incessante. Les vagues de l’un, tantôt douces caresses scintillantes, tantôt furies déchaînées qui rappellent notre insignifiance face à l’immensité. Les dunes de l’autre, écharpes de soie ocre et or, sans cesse redessinées par les brises vagabondes, mais capables, sous le souffle violent des vents, de se dresser en murs menaçants.

C’est dans cette dualité fascinante, cette conversation muette entre l’eau et le sable, qu’a germé l’idée d’un mobilier - un paravent et des luminaires – qui en capture l’essence. Dans une esthétique contemporaine, née de la rencontre entre la vision créative et la dextérité manuelle, le bois et le verre, matières nobles traversant le temps et les civilisations, deviennent les médium de cette transposition poétique. Chaque volume, chaque courbe sont pensés avec une précision intuitive, et racontent l’histoire du vent sur le sable.

Djaffar Zizi, Dunes, luminaires D.R.