Avec Zàrani, la rupture est brutale. Alors qu’Éclats de Syrie reste grosso modo dans une pratique assez conventionnelle de la pensée «maqâmesque», Zàrani, oeuvre de Zad Moultaka, fait éclater les cadres. Combinaison du piano détempéré avec le luth, maniement des timbres, utilisation des résonances, des frottements entre modalité et tonalité, exploitation des intensités dynamiques: beaucoup d’éléments de langage proviennent des expériences les plus réussies de la composition actuelle, et de la familiarité de Zad Moultaka avec des compositeurs comme Berio, Nono ou Ligeti. Il y a étrangeté de cette musique par rapport à l’univers usuel des maqâm libanais ou syriens. C’est ce qui fait novation. De même, la distance prise par rapport à la langue arabe dans le chant tout en onomatopées qui est l’une des réussites de Zàrani. Entre les deux mondes, Fadia Tomb El Hage et sa voix qui circule aussi bien comme chanteuse classique que comme voix «orientale ».
Attention ! Chef-d’oeuvre : Zàrani déconstruit la structure des maqâm et désigne du coup leur potentiel immense pour servir la création.
Frédéric DEVAL
Directeur, Fondation Royaumont / Musiques orales et improvisées