
Dans le quartier populaire de Jalloum, derrière les remparts de la cité historique d’Alep, se dresse la Zâwiya Hilaliya, un sanctuaire rattaché à l’une des confréries soufies les plus réputées de Syrie. Fondée en 1680 par Hilal Rami Hamdani, la Hilaliya appartient à la branche Khâlwatî de la confrérie mystique Qâdiriyya. Cette dernière, née au XIe siècle, constitue aujourd’hui le plus grand ordre soufi du monde. Voici pour la généalogie.
Chaque vendredi après-midi, depuis plus de trois siècles, les adeptes – marchands, artisans, ouvriers, propriétaires ou fonctionnaires – souvent accompagnés de leurs jeunes garçons, se pressent dans la Zawiya Hilaliya pour le dhikr, littéralement mémoire et parole, une cérémonie au cœur de la pratique soufie. Mains croisées sur le ventre, paumes ouvertes vers le ciel ou buste en scansion, ils invoquent le nom d’Allah, le répètent à l’envi, jusqu’à atteindre l’extase, cet état où s’efface leur personne terrestre et s’élève leur esprit vers le divin, en un chant nu, archaïque et sophistiqué à la fois. Voici pour le rituel.
Depuis sa fondation en 2010 à Alep, capitale spirituelle de la Syrie aujourd’hui à moitié en ruines, le groupe Wajd, en « exil culturel » en Europe, propose une musique soufie plus contemporaine, mais charnellement liée à la tradition de la Hilaliya. Légèrement modernisés, le chant et la musique de Wajd revivifient la tarîqa hilaliya, la voie mystique de cette confrérie, y intégrant d’autres héritages culturels issus des imaginaires syriaque, byzantin et ottoman, et multipliant les rencontres transculturelles dans un esprit d’ouverture sur le monde et d’enrichissement musical. Ainsi, Fawaz Baker (chant, contrebasse), Khaled al Hafez (chant, percussions), Tarek al Sayed (chant, oud) et Tama Ramadan (nay), de par leur formation et leur parcours musical, sont rompus dans l’exercice de plusieurs styles profanes, qu’ils soient arabes ou occidentaux, comme le jazz. Voici pour le futur.