
Venue étudier la sociologie à la Sorbonne, Houria Aïchi est devenue en vingt-cinq ans l’ambassadrice de la chanson berbère chaouie algérienne en France et sur d’autres scènes internationales. La voix claire, comme ses yeux, le chant vigoureux telles ses racines berbères de l’Est algérien, Houria (« liberté » en arabe) a longtemps glorifié, sur fond de bendir percutant et de flûte plaintive, les paroles des Azriates, ces femmes troubadours du massif insoumis des Aurès, libres et sans hommes, qui lui ont été transmises par sa grand-mère. Aujourd’hui, la plus célèbre chanteuse chaouie du monde rend un bel hommage à d’autres femmes d’hier et d’aujourd’hui, des voix imposantes de diverses musiques algériennes. « Tout au long de mon travail, j’ai été émue par le courage et la détermination de ces femmes qui ont mené de vraies carrières de chanteuses, dans un environnement à la fois hostile et admiratif », dit-elle en évoquant des destins parfois tragiques, comme celui des Chaouies « la Rose de Khenchela » Zoulikha, bannie par sa famille, ou Baggar Hadda (1921-1996), morte mendiante et à moitié folle dans les rues d’Annaba. Houria Aïchi interprète celles qui ont chanté des styles dérivés de la musique arabo-andalouse comme Meriem Fekkaï (1889-1961) et Fadéla Dziria (1917-1970), qui ont inventé le raï charnel telle Cheikha Remitti (1923-2006), popularisé la chanson kabyle traditionnelle comme Chérifa (née en 1926), ou moderne à l’exemple de Djura (ex-Djurdjura) et de Saloua (née en 1935) pour la variété algérienne. Houria n’oublie pas les voix de la nouvelle génération, celle du raï moderne lancé d’Oran par Chaba Fadéla, celle de la chanson du Sahara par la chanteuse et percussionniste Aïcha Lebgaa, ou le folk internationaliste élaboré par Souad Massi à Paris.