
Les Gitanes du Nil
avec Layla el-Garhy, Nawal el-Hagagy et Neema el-Sayed
Le roi perse Bahram Djoûr, ému par les plaintes de ses sujets les plus démunis qui réclamaient de la musique, aurait fait venir de la haute vallée du Gange douze mille musiciens. Lorsqu’ils arrivèrent, il leur fit donner de quoi vivre en cultivant la terre. Au bout d’un an, ils s’étaient contentés de manger leurs bœufs et leur blé. Irrité, le souverain leur conseilla de mettre des cordes de soie à leurs instruments et d’aller vivre désormais de leur musique.
Au XIXe siècle, une importante littérature fut consacrée à ce sujet, méconnu de nos jours, des Tsiganes de l’Orient méditerranéen. Bousculées par les changements économiques et sociaux actuels, ces communautés entretiennent toujours le souvenir de ce long et lointain périple. Ces légendes, où l’errance est synonyme de rejet et de condamnation, créent un univers mythique. Dans la vallée du Nil, on connaît encore quelques parcelles de l’histoire de ce peuple encore craint et méprisé. Les premières migrations vers l’ouest semblent commencer au IVe siècle. Les Dom (dont le terme aurait donné naissance par dérive linguistique au nom “Rom”), ces castes d’intouchables, d’artisans, de marchands, de forgerons et de musiciens arrivèrent en Iran vers le Ve siècle. La légende mentionnée précédemment fait de ce pays la plaque tournante des Roms d’Orient, de cette branche qui se dirigea précisément vers le Proche-Orient et l’Egypte. Certains dialectes tsiganes comptent d’ailleurs un très large vocabulaire persan.
Les ghawâzî, ces danseuses qui n’existent plus qu’en Haute-Egypte, sont originaires de différents clans tsiganes. A cause de leur indécence, elles furent chassées du Caire par Mehemet Ali en 1834. Leur danse accompagne les sonorités stridentes de petites cymbales (sadjat) tenues dans chaque main.
Les ghawâzî côtoyaient les fameuses almées. Ces dernières, bien que pratiquant aussi la danse, se voulaient avant tout chanteuses. Elles possédaient un grand savoir musical et un vaste répertoire. Elles perdirent leur rôle dans la capitale vers la fin des années 30 avec l’ouverture des premiers cabarets. Comme les ghawâzî exilées vers le sud, elles retrouvèrent la clientèle rurale de leurs villages d’origine. Les hommes, s’appropriant alors l’art du chant, reléguèrent ces dernières uniquement aux rôles de danseuses. Aujourd’hui, les almées ont quasiment disparu d’Egypte.
D’après Alain Weber
Le chant gitan d’Egypte
Les Egyptiens chantent partout, à la maison, aux champs, durant les fêtes… Ces chants célèbrent la vie comme ils accueillent la mort. Le chant égyptien est un mélange de culture arabe égyptienne bédouine et africaine. Par ailleurs, le chaaby, chant populaire égyptien, a trouvé une autre source d’inspiration chez les Gitans d’Egypte. Ceux-ci ont nourri cette culture et joué un rôle considérable dans la vie musicale égyptienne ainsi que dans la conservation et la diffusion de la musique populaire de ce pays. Les Gitans se produisent dans les fêtes populaires ou sur les marchés. Ils ont toujours cheminé sur les routes, mêlant à leurs pas le chant et la musique. Leur chant allie différentes formes de musique traditionnelle égyptienne, notamment la force et la vitalité propres à l’interprétation du chant saïdi de Haute-Egypte. La musique des Gitans constitue un patrimoine artistiqueunique et un savoir considérable en matière de chansons traditionnelles et de mawawil.
Neema el-Sayed
Issue d’une famille de chanteurs, Neema chante depuis l’âge de 6 ans. Elle a suivi le chemin de ses parents en optant plutôt pour le chant bédouin. Neema est devenue leur porte-parole officiel, d’autant qu’il est interdit aux femmes bédouines de se montrer en public. Dans son répertoire, un mélange de chants traditionnels bédouins et de chants traditionnels paysans d’Egypte, son style étonnant lui a valu un grand succès dans plusieurs pays arabes ainsi qu’en Europe.
Nawal el-Hagagy
Nawal el-Hagagy est née dans une famille d’artistes. Son père était musicien et jouait dans les mulids et son oncle était chanteur. Lors d’une fête à laquelle participaient son père et son oncle, on l’a laissée monter quelques minutes sur scène et sa carrière a ainsi débuté, en surprenant un public qui l’acclamait. Quarante ans après, Nawal chante toujours des chants traditionnels, particulièrement le saïdi (sud de l’Egypte) de sa région natale, les mourabarat (les quatrains) et les mawawil. Nawal s’est produite partout dans le monde et elle est aujourd’hui connue pour son style très personnel et très spécifique.
Layla el-Garhy
Layla el-Garhy a grandi au cœur du delta du Nil. Très jeune, elle travaillait dans les champs où elle récoltait le coton avec les autres filles de son village avant de se consacrer au chant. Sa belle voix lui permit de se produire dans les mariages, où sa carrière a véritablement débuté. Layla chante le chant fallahy (paysan) depuis trente ans, elle est connue dans tout le nord de l’Egypte. Une atmosphère de joie et de fête règne dans ses chansons.