Terminé
12 mars 2005

Idéal de vie et vie réelle

avec Ridan

Ridan, Nadir pour les intimes, aime les mots mais aussi le décalage. Autant d’éléments qui font de son premier album, Le Rêve Ou La Vie, une très bonne surprise. Entre critique sociale et introspection, chronique intimiste et propos sans concessions, ce jeune artiste de 27 ans prouve que la banlieue peut aussi investir un espace, loin du rock et du rap, laissé en friche par la chanson française. A la fois conteur habile et poète acide, il est prêt à charmer pour mieux secouer.
A quoi ça sert une vie sans rêve ? La question traverse tout l’album, projection personnelle d’une réalité difficile. « Le rêve, c’est une drogue », explique-t-il, ajoutant : « On se prive de toute forme de réalité pour pouvoir gérer le quotidien. Mais le rêve reste un idéal, ma vie, elle, dépend de la réalité ». Plus rebelle que doux rêveur, Ridan plie la langue à ses exigences. Son écriture spontanée est riche en allusions, références et double-sens. Une vivacité qui date de ses premiers écrits de jeunesse à l’âge de 15 ans, des poèmes qui ont peu à peu laissé place à des chansons. Mais il a mis du temps avant de franchir le pas. Il lâche ses études pour se lancer dans la production de projets ambitieux comme le maxi 30 Rappeurs Contre La Censure. Mais la frustration est toujours là : il se décide alors à poser ses mots sur sa musique. Avec son complice Alain Félix, il réalise dix morceaux étonnants où l’insolence croise la sincérité quand le coup de griffe masque la tendresse.
Le Rêve Ou La Vie, c’est du vécu, brut et percutant, mais servi dans un écrin de velours. Car ce qui frappe, c’est le contraste entre ce sens de la formule acerbe et une approche musicale épurée. Si Ridan chante la vie urbaine, le manque de perspectives, l’amour, la liberté, il le fait sur fond de guitares acoustiques, violons et piano légers. Ni rap hardcore, ni rock agressif, la subversion est dans le propos. « Si tu mets un texte et une musique rentre dedans, tu fermes les oreilles à tout le monde », assène-t-il. Du coup, il surprend là où on ne l’attend pas. « Je serai le deuxième Patrick Bruel », ironise-t-il sur le sautillant Le Quotidien qui relate les difficultés d’un jeune français d’origine maghrébine. Son folk acoustique se pare de violons tziganes pour retracer son parcours (Le Rêve) ou se fait bucolique lorsqu’il veut se mettre au vert (L’agriculteur). Son admiration pour Brassens n’est pas stérile : « Il me touche par sa plume et sa capacité à mettre du second degré partout. J’ai même failli reprendre le Pornographe Du Phonographe », livre-t-il. Ridan se révèle sans détours : « La franchise, c’est un geste de liberté quand on t’a dressé à mentir ».