
Coiffé d’un fez turc, lunettes double foyer sur le nez, un éternel sourire d’adolescent sur les lèvres, émerveillé comme un enfant : telle était l’apparence de Sabri Moudallal (1918-2006), le plus important muezzin de la Grande mosquée d’Alep, la ville syrienne réputée pour l’intransigeance musicale de son peuple. Natif de cette cité, élève d’Omar al-Batsch et maître légendaire du muwashshah aleppin, Moudallal, qui s’était produit à l’IMA pour la première fois en 1994, était devenu une légende du chant classique. Avec une aisance rare, il excellait dans les suites savantes wasla, le dawr, les layali plus populaires, les qudûd aleppins, thèmes urbains et légers, épaulés essentiellement par les oud, kanoun, la percussion riq, la vièle kamânche, sous forte influence de la tradition ottomane, et les chœurs mevlevi de Turquie, héritiers du mystique soufi Djalāl ad-Dīn Muhammad Rūmī ou Roumi (1207-1273), fondateur de l’ordre des derviches tourneurs.
Aujourd’hui, c’est un autre Aleppin, Hamam Khairy, qui rend un hommage fervent et exceptionnel à sa ville et à Sabri Moudallal. Après avoir côtoyé et forgé son talent auprès des plus illustres interprètes des styles syriens, Hamam Khairy perpétue, à sa façon, ces artistes d’Alep qui ont gardé vivants les héritages vocaux et musicaux de leur localité métissée et multimillénaire. Il sait, lui aussi, étreindre les mots, réchauffer les syllabes avant de les lâcher en des vibrations nuancées, acrobatiques à l'infini. Doté d’une voix puissante et charmeuse, le chanteur trace depuis quelques années son propre sillon, soucieux de transmettre le patrimoine musical d’Alep aux nouvelles générations.