Derrière Digital Bled se cache un projet, sorte d’électro - transhumance des rives de la Méditerranée, incitation à l’ivresse sur les dancefloors de la planète. Prenez l’album Caravana : c’est une cueillette de sons de la rue et du patrimoine de cette luxuriante galaxie des suds. Ingrédients d’un grand raout sur tempos hip (& trip)-hop, climats funk et volutes dub, où sont conviés musiciens et DJ’s de la scène parisienne, de racines nord-africai- nes (Magh - reb, Peul, Touareg), brésiliennes, guadeloupéennes…
Paris-bled, quoi ! Voilà un beau voyage initiatique en 13 stations, avec entrelacs d’ambiances d’un orient très « sud », tourné vers le désert, et pourtant très urbain sans être, pour autant, un labyrinthe de samples. Au fil du disque, on croise Aziz Sahmaoui (un authentique Gnawa) et Youcef, tous deux de l’O.N.B., Glaucus Linx, le sax brésilien, compagnon de route de Salif Keita, Dany’O, bassiste antillais, et d’autres encore. Cette Caravana Vem (arrive, titre 1) et Vai (s’en va, titre 13). Entre deux, on rebondit de Dub do Pardal Maluco évanescent en FonkArabic hypnotique, de tchatche dans un «Cairo Bar » égyptien (avec évocation de la grande Oum Kalsoum) en scratches pour mieux perdre… le sud. Arabesques en portugais parce que Pedro…
Car, si, parfois dans les concerts, la voix de Kahina vient se poser avec élégance, le grand ordonnateur, lui, est Portugais.Avant d’atterrir en banlieue parisienne avec ses parents en 1970, il avait, déjà, un horizon musical, héritage d’un voisin trompettiste dans son Estoril natal, plus un bandonéon dans ses bagages. Pas très performant au bahut, il s’attelle plutôt à sa batterie, puis à la basse et à la guitare. Vendeur en nocturne à Lido Musique et dévoreur d’imports, il finit ses nuits aux platines dans les boîtes des Champs-Elysées. Naissance de DJ Pedro.
Début des années 1980, il surfe sur la vague hip hop naissante avant de se tourner vers le mix de bandes sonores. Et là, gros succès : il met en son les collections de Xuly Bët (depuis 1991), court de New-York jusqu’en Ethiopie. Lors d’un défilé, Djilali, alors producteur de l’O.N.B., s’enthousiasme pour un de ses remix et il est prêt à jurer que son auteur est un Pakistanais de Londres. C’est ainsi que Pedro le Portugais se retrouve à collaborer avec Youcef, le plus « Brasil » des chanteurs de raï. Lequel Youcef devient un des équipiers de la caravane Digital Bled.
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Humeurs de la rue
avec Gavroche
Chanson d’auteur ? Sûrement. Passeur d’émotions ? C’est plus que certain. Quand on écoute Gavroche, Djamel Maklouti pour l’état civil, on remarque d’emblée la voix éraillée, ou rauque, qui n’est pas sans rappeler l’excellent Mano Solo. C’est sincère, tout droit sorti des tripes et du cœur. « Comme lui », note Longueur d’Ondes, « il raconte avec rage la mort, mais aussi l’amour, la rue, l’exil intérieur… Ce que fut son quotidien. On prend plaisir à écouter des mélodies travaillées où se plaquent, l’une sur l’autre, rythmique orientale et piano classique, s’allient la guitare sèche et la contrebasse, la derbouka et le violon ou le clavier. Gavroche nous transporte dans un univers où se mêlent chanson populaire, rock à la française, reggae et musique orientale traditionnelle ; en alternance, morceaux pêchus et ballades ». On rajoutera quelques notes tziganes et une bonne dose de populaire festif.
A 34 ans, l’ancien instituteur, doublement diplômé en lettres modernes et en philosophie, continue de jouer le terrien en balade observatrice, à poser la question, parfois douloureuse, de notre place dans la société. L’énergie remarquable qui se dégage de ses compositions et de ses mots, souvent acérés, est le fruit d’une pertinente utilisation de la colère générée par le malaise, la rébellion, les travers de la société… Le tout agrémenté d’une grande pincée d’humour (hommage à Georges Brassens et Edith Piaf à travers le morceau La vie sent pas la rose) et de dérision voire d’autodérision. Livrées donc avec beaucoup d’honnêteté, ses chansons rassemblées dans son premier album, comme de juste intitulé Dans la rue (septembre 2004, Quai de Scène/Sony Music), ont séduit un public de connaisseurs. Présent dans le paysage musical français depuis 1998, année où il a obtenu le Prix de la Sacem pour son titre Alger, Gavroche a écumé diverses salles et Festivals et il a même assuré la première partie de concerts de Tété, Tryo, Jean-Louis Aubert ou Benabar.