
Le mot ahallil désigne à la fois un genre musical et le groupe qui le pratique. Ces chants foisonnent de prières, de suppliques et de refrains où Dieu est glorifié dans son unicité. L’ahallil demeure avant tout une musique et un ballet propres au Gourara, une région du sud-ouest algérien, qui compte une centaine d’oasis habitées par les Zénètes ou les Berbères du Sahara. Les populations essentiellement arabophones de Tinerkoul et du Taghouzi, habitant les ksour, ces antiques maisons fortifiées, faites de terre rouge ou ocre, goûtent avec plaisir cette musique. Et c’est ensemble qu’elles communient dans les grandes occasions, comme lors du mouled (le temps du souvenir du Prophète). Ce genre s’exécute de préférence après la tombée du jour, quand les contraintes du soleil et du désert cèdent la place à la douceur de la nuit. Alors, un groupe d’hommes se réunit en plein air et forme un cercle, au milieu duquel se tiennent un abchniw (poète et chanteur soliste), un flûtiste, un joueur de gumbri (instrument à cordes) ainsi que des percussionnistes utilisant tambours, pierres et mains. Ils répètent en chœur d’une voix grave, les complaintes aiguës du soliste, faites de suppliques, de quête de pardon et de grâce. Dans un enchevêtrement subtil, l’ahallil fait cohabiter sacré et profane. L’atmosphère est chargée d’émotion et de volupté d’une densité extrême. Cette musique s’adresse à l’ensemble du corps devenu toute ouïe. Ces chants racontent aussi l’histoire de ces peuples. En intercalant le rappel de préceptes religieux avec le récit de batailles mémorables, l’ahallil contribue ainsi à maintenir la mémoire collective du groupe. Ils chantent également les espérances et les inquiétudes de leur époque.