Terminé
28 mai 2016

Bienvenue dans la transe

avec Melloka et les fkiret et benoutet de Constantine

Le nawb désigne la « liturgie musicale » des ensembles féminins de Constantine, les fkiret et benoutet. Ces ensembles de musique sacrée jouent uniquement pour des femmes lors de fêtes de mariages, circoncisions, offrandes pour un saint (wa’da) ou séances de désenvoutement (nechra). Il existait autrefois plusieurs groupes de fkiret et de benoutet à Constantine. Ils ont aujourd’hui quasiment tous disparu.

Le répertoire des fkiret est majoritairement constitué de chants de louanges (les madh), dont le prophète Mohamed et les marabouts sont les sujets dominants. Les benoutet, elles, abordent aussi bien des répertoires sacrés que profanes. Le seul instrument mélodique utilisé est le violon. La chef d’orchestre (raïssa), personnage clef du nawb, chante le texte principal. Les accompagnatrices lui répondent en chantant les refrains et les parties complémentaires du texte. Le rôle de la raïssa ne s’arrête pas là : elle doit ordonnancer les pièces du nawb de manière à amener progressivement les danseuses à atteindre l’extase, soit la transe, but ultime du nawb.

Le hasard de l’histoire a fait qu’aujourd’hui, l’héritier le plus averti de cette grande tradition musicale soit un homme. Enfin presque. Personnage androgyne, Mellouka Rjem se définit lui-même comme un être asexué : « Je ne suis ni homme, ni femme, ou bien peut-être les deux à la fois ». Dès l’âge de neuf ans, il est adopté par la grande raïssa La Fatma bent Kara Baghli du groupe el Kahla, issue d’une famille de musiciens depuis des générations. Mellouka s’est formé en son sein. Il a également fréquenté les benoutet de Zhor El Fergani, la dernière grande cantatrice du style, et maîtrise donc les deux grands axes de cette fabuleuse musique.

Mellouka nous propose à l’IMA un spectacle sous forme de nawb dans les deux aspects du chant féminin constantinois, fkiret et benoutet. L’occasion de découvrir la puissance du verbe et de la poésie du medih, ainsi que la magie des rythmes et des mélodies qui transcende le réel et met les danseuses dans un état d’hypnose totale.

Taoufik Bestandji