24 novembre 202616 mai 2027

Les secrets de l'Alhambra nasride

Joyau de l’art islamique, unique complexe palatial musulman conservé en Occident, l’Alhambra est l’un des monuments les plus visités au monde. C'est l'Alhambra telle que bâtie par les sultans nasrides – bien différente de la forteresse actuelle – que l’exposition met en lumière, en dévoilant et en décryptant certains de ses secrets à l’apogée de sa splendeur, sous le règne du sultan Muhammad V, au XIVe siècle, au fil d'une passionnante promenade immersive jalonnée de merveilleuses œuvres d'art.

Évocation du génie de la fontaine des lions, de la poésie de l’eau, des complexités géométriques du décor, du raffinement de l’épigraphie qui donne voix au palais, du faste des fêtes sultaniennes, de la sensualité des jardins, des échanges culturels malgré les tensions militaires constantes… : cette exposition raconte l’Alhambra nasride, éclaire sa splendeur et révèle quelques-uns de ses mystères.

Visite-promenade dans la future exposition 

La beauté de l’Alhambra pourrait faire oublier qu’elle est en premier lieu une forteresse, ceinte de murs et de tours et siège d’une garnison, et que l'émirat nasride est en réalité un État en sursis, menacé et grignoté sans répit par les Etats voisins. En parallèle d'une sélection d’armes et de pièces d’armure et de harnachement, l'immersion permettra au visiteur de découvrir un chef-d’œuvre caché et très peu connu de la peinture arabe, montrant le retour d’une expédition militaire victorieuse.

La fontaine des lions, qui a donné son nom actuel au palais qui l’accueille, pièce la plus iconique de l’Alhambra et chef-d’œuvre de l’art nasride, a été remaniée au cours des siècles qui ont suivi la conquête chrétienne. À quoi ressemblait-elle du temps du règne de Muhammad V, qui la fit installer ? Autour d’une copie de la fontaine, le visiteur découvrira différentes hypothèses scientifiques sur la signification, la forme et le fonctionnement de la fontaine. Pièce majeure de l’exposition, celle-ci sera aussi l'occasion traiter de l’importance de l’eau pour tout le complexe palatial, tant au plan esthétique que pour son caractère essentiel à la vie même du site.

Le patio du canal

Pour exalter la perfection de la création divine sans avoir à l’imiter, les artistes musulmans et particulièrement nasrides ont utilisé l’abstraction, permise par la rigueur mathématique. Ainsi, l’édifice entier, tant sur le plan architectural qu’ornemental, se base sur la répétition à l’infini de motifs géométriques. Les trames décoratives sont le fruit de compositions réalisées à partir de motifs qui bougent et tournent selon tous les types de symétrie possible, pour donner lieu à leur tour à de nouvelles formes géométriques très variées. Un pan de l'exposition est dédié à ces tracés et à leur procédé, à la découverte d'un principe artistique majeur, typiquement musulman, développé sur différents types de supports, qu’il s’agisse des murs en céramique du palais ou des objets d’art qui le décoraient : soieries, manuscrits, boiseries, marqueteries, etc.

Élément fondamental de l'esthétique de l'Alhambra, les couleurs sont magnifiées par la lumière, qui crée des effets chromatiques et des mouvements sur divers motifs ornementaux. Le spectacle de cette polychromie intense, qui n'est que partiellement décelable aujourd'hui, sera rendu possible par les procédés immersifs, mettant en valeur les jeux de lumières du plafond de Lindaraja, ainsi que les détails et la finesse des dessins des muqarnas ou des plafonds.

Les murs de l'Alhambra sont recouverts de textes. Loin d’être cantonnés à une simple fonction décorative, ceux-ci sont littéralement la voix du palais. Le visiteur est invité à découvrir les différents types de calligraphie et à lire certaines inscriptions en les déchiffrant au sein de motifs ornementaux complexes – devises, mot baraka, poèmes, citations coraniques – tout en s'imprégnant de leur musicalité grâce à la retranscription audio de leur lecture. Ici encore, une sélection pointue d’œuvres d’art permettra de voir que ce principe décoratif basé sur la calligraphie est loin de se cantonner aux seuls murs du palais. 

Malgré les relations fluctuantes qu’entretient l’émirat nasride avec les Etats voisins, les échanges artistiques sont particulièrement fructueux, comme en témoignent des œuvres venant aussi bien du monde chrétien qu’islamique. L’exposition décodera par ailleurs les peintures de la salle des rois, à l’iconographie surprenante dans un palais musulman.

Les sources historiques et les diwans de poésie relatent les fêtes somptueuses organisées dans l’enceinte du palais à l'occasion de la célébration du mawlid (anniversaire du prophète), des noces royales ou des circoncisions des fils de sultan. Pour en restituer l'ambiance et le faste, place, dans une ambiance musicale, à la splendeur des œuvres et à la reconstitution de l’automate présenté lors du mawlid de 1362.

C'est sur une sensuelle évocation du jardin que s'achève l'exposition. L'Alhambra n'est-il pas une métaphore du jardin ? Outre les références au jardin du paradis ou aux jardins terrestres gravées sur ses murs, la forteresse renferme de vrais jardins, d’agrément ou productifs. À découvrir, une installation créée pour l'occasion, fondée sur les connaissances scientifiques relatives aux jardins de l’Alhambra, fait appel à nos sens, notamment à l'ouïe et à l'odorat…

COMMISSARIAT

BARBARA BOLOIX, Université de Grenade

AGNÈS CARAYON, chargée d'expositions à l'Institut du monde arabe

Une exposition coorganisée par l’IMA et le Patronatode la Alhambra y Generalife et coproduite par Gédéon Expériences