En projetant une exposition sur le thème des Andalousies, l’Institut du monde arabe souhaite montrer comment l’héritage andalou dans la culture méditerranéenne est le moment fondateur d’un possible syncrétisme, l’occasion historique où les deux rives ont été réunies en un seul lieu. Ce lieu inaugural, où les incompatibilités entre le monde arabe et l’Europe, trop souvent jugées irréductibles, se sont résolues en une construction brillante, publie loin de ses frontières et de la clôture apparente de son histoire sa leçon de tolérance et de civilisation.
S’il est un thème pour saluer l’aube du troisième millénaire, celui de l’Andalousie, qui connut précisément son apogée en l’an Mil, sous le prestigieux califat des Omeyyades de Cordoue (929-1031) est l’un des plus fédérateurs et l’un des plus éclairants. Entre le VIIIe et le XIIe siècle, l’Espagne musulmane, enrichie par l’apport des techniques et des arts de l’Orient, bénéficiaire du savoir de l’Antiquité qu’elle retrouve, traduit et augmente, développe une culture originale bien supérieure à celle de son temps. Cette réussite, elle la doit à toutes les communautés - musulmane, chrétienne ou juive - qui vivent sur son sol et qui contribuent à son développement et à la fécondité de ses échanges. La société hispano-arabe, ouverte à toutes les influences et comme heureuse de sa diversité, offre un modèle de coexistence à l’Europe médiévale que celle-ci ne parviendra pas à reproduire. Plus tard, après l’achèvement de la Reconquista, elle sera toujours évoquée avec nostalgie. Cette référence à un monde composite et réconcilié donne au nom d’Andalousie le charme d’un jardin interdit et la valeur universelle d’un nom commun.
L’exposition
En centrant son exposition sur le Xe et le XIe siècle - l’époque lointaine du califat de Cordoue et des Principautés - l’Institut du monde arabe a voulu mettre en lumière l’Espagne musulmane pendant sa période d’apogée, faire sentir la dignité éminente de son art qui a synthétisé l’héritage romain et les apports orientaux, montrer l’étendue de sa culture, la diversité de sa société, et ainsi réajuster le regard du visiteur qui ne connaît l’Andalousie qu’à travers le palais de l’Alhambra, plus tardif, et ses jardins.
Cette civilisation de l’an Mil, contemporaine, en Europe du Nord, du règne des empereurs ottoniens et de l’essor de Cluny, sera évoquée sous ses divers aspects : le cadre palatin, la vie quotidienne et l’agriculture, mais aussi l’art chrétien mozarabe quand il est influencé par l’Andalousie. On fera également sentir la symbiose des cultures qui caractérise cette partie occidentale du bassin méditerranéen et qui l’unifie dans une sorte de koinè. Enfin, la dernière phase de l’exposition montrera l’importance du legs culturel de l’Andalousie à l’Europe. Et comme l’exposition commence par le califat omeyyade de Damas, vers 711, et s’achève par la prise de Tolède en 1085, on verra comment s’est opéré, à cette date, le transfert des connaissances grâce aux écoles de traduction établies dans cette cité.
Quelque 150 musées et institutions répartis dans une vingtaine de pays ont été sollicités pour défendre cet ambitieux projet et faire revivre auprès du public cet An Mil de la civilisation andalouse, à la fois si prestigieux et si méconnu.