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Chanson moderne, entre racines et devenir

  • 8 juin 2012
Chanson moderne, entre racines et devenir
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Chanson moderne, entre racines et devenir avec Caméléon (pop rock), Thanina (kabyle) et Mohamed Mazouni (chanson de l’exil)
Dans le cadre du Festival New Bled

Caméléon, pop-rock alternatif
Caméléon est un jeune groupe algérien qui a enrichi, de manière originale, la nouvelle scène musicale algérienne. Composée de cinq musiciens, cette formation s’illustre dans le style alternatif, que certains nomment musiques du monde. Découvert il y a quelques mois sur les ondes de la radio, leur titre phare, Li Leh, est passé en boucle sur plusieurs chaînes pendant des semaines. La chanson - et d’autres aussi telle Rechany -, a suscité l’intérêt et l’engouement des auditeurs et des internautes qui l’ont exprimé à travers la toile (YouTube et Facebook). Hcen Agrane, auteur, compositeur et interprète du groupe, son frère jumeau Hocine, le batteur, Réda Saïb, le bassiste, Hocine Sakhar au clavier et Anis Aïdja, à la guitare, conjuguent, avec brio, originalité et talent. Étudiants dont la moyenne d’âge est de 24 ans, les membres de Caméléon jouent la carte de l’innovation, comme le souligne Hcen : « Notre musique s’appuie sur une certaine liberté et indépendance et qui emprunte à plusieurs styles ».

Thanina, la modernité incarnée
Pendant longtemps, en Kabylie, comme dans le reste de l’Algérie d’ailleurs, le chant des femmes a vécu en reclus. L’espace des pratiques musicales féminines ne dépassait guère les limites du village et le cercle restreint des fêtes marquant les événements existentiels : mariages, naissances et circoncisions mais aussi décès. Mais, au-delà de ces thèmes principaux, les artistes féminines se distinguaient par un répertoire exceptionnellement étendu, composés de morceaux consacrés à l’«ahiha (l’amour), les épopées guerrières ou consistant en des éloges-célébrations de héros locaux, des berceuses et des louanges à Allah et au Prophète Mohamed (adhekkar). En général, elles entonnent toujours un prélude nommé « achwiq », donnant des frissons à l’assistance et interprété d’une voix majestueusement grave. Dans l’ensemble, les femmes ont très peu recours aux instruments : juste un bendir (tambour sur cadre), une derbouka et, plus récemment, un târ (tambourin à cymbalettes). Ce sont les voix, accompagnées de frénétiques battements de mains, qui emplissent l’atmosphère. Hors les saisons de mariages, un groupe s’est rendu célèbre, depuis presque cinquante ans, par ses prestations à la radio (chaîne II, kabylophone), sous l’intitulé nnuba l-lxalat (littéralement : le tour des femmes). A sa tête, on retrouve deux figures emblématiques de la chanson féminine kabyle : Chérifa et Djamila, deux dames qui ont osé franchir le pas des fêtes en se professionnalisant et en enregistrant des disques, avec une grande orchestration.
Thanina, une voix des plus fraîches, née le 24 décembre 1977 à Tigzirt, se réclame de ses aînées audacieuses et a mis dans ses chansons une modernité respectueuse vis-à-vis de la tradition, consolidée par une orchestration endiablée.

Mazouni, le dandy des seventies
A la fois conformiste (morale sur l’infidélité ou le mariage mixte) et dérangeant (le trouble à la vue d’une mini-jupe, drague au lycée…), Mohamed Mazouni a traversé les années 1960-1970 avec son humour grinçant et son mélange fédérateur de styles du terroir. Né le 4 mai 1940 à Blida, il s’est imposé assez rapidement par un genre et une attitude tenant du yé yé remodelé façon algérienne, porté par des titres comme Chérie Madame, devenu un classique repris par des artistes beurs comme ZenZila, ou Soug Mlih (Conduis bien ta bagnole). Sa façon de parler des lycéennes, des voitures et des lieux de plaisir lui vaut les faveurs des jeunes zazous immigrés de France, où il s’était installé. Mazouni, qui a disparu de la circulation musicale pendant toute la décennie 1980, a refait surface, en 1991, en Algérie, en signant quelques nouveaux succès.
Ces dernières années, la diffusion très large du documentaire Scopitones arabes et berbères de Michèle Collery et Anaïs Prosaïc, d’abord sur Canal+, puis dans de nombreuses salles, avec débats à la clé, autour de la chanson de l’exil, mettant en évidence le rôle important de Mazouni, lui redonné un nouvel élan. Rachid Taha, en reprenant Camarade, Mouss et Hakim de Zebda, à travers Adieu la France, Bonjour l’Algérie, ainsi que l’Orchestre National de Barbès, qui a choisi Tu n’es plus comme avant (Les roses), ont également contribué à la reconnaissance de Mazouni par une nouvelle génération.

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