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Passions ibériques

  • 21 May 2004 - 22 May 2004
Passions ibériques
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Amina Alaoui

Le chant arabo-andalou d’al-Andalus, le flamenco d’Andalousie et le fado du Portugal sont nés de la fusion de trois pôles culturels : l’Orient, l’Occident et l’Afrique du Nord. Tous trois chantent la solitude de l’affection, les uns l’appellent saudade ; les autres la nomment soles (soledad) ou encore assaudae, la mélancolie.
La péninsule Ibérique connut au Moyen Age une riche histoire. Un vent d’Orient (aussi bien byzantin, indo-persan que grec) et d’Afrique du Nord, passé par le filtre de la culture arabe, donna à cette terre une identité singulière, encore enrichie par ses contacts avec l’Europe. Ce bouillonnement culturel enraciné dans un dialogue mutuel et ce foisonnement des esprits donnèrent naissance à un âge d’or de la culture arabo-ibérique, qui rayonna dans toute l’Europe médiévale jusqu’au XVe siècle. Ce dernier siècle coïncide d’ailleurs avec l’arrivée en Andalousie des Gitans venus d’Orient.
La Reconquista mit fin à l’identité religieuse musulmane,mais point à celle de sa culture, trop longtemps enracinée sur le sol ibérique. Au-delà du XVe siècle, les Gitans et les Morisques eurent un rôle créatif déterminant de passeurs musicaux à travers le romancero, la copla ou dans les sonorités du patrimoine lyrique et musical andalou. Dès lors, on peut parler de fusion culturelle et artistique, d’Orient et d’Occident, et, sans cela, le flamenco n’aurait pas l’esthétique que nous lui connaissons. II suffit d’écouter le style andalusi (arabo-andalou), le flamenco et le fado pour se rendre compte que ces expressions musicales vibrent sur un même diapason de sensibilité musicale, celui du duende. Ce dernier se manifeste par une liberté absolue et une sincérité d’interprétation, par l’émotion et par l’improvisation, pour créer un moment unique de confidence qui vient du tréfonds de l’âme. Malgré les péripéties et la tragédie de l’histoire ibérique, le flamenco, le fado et l’andalusi continuent à chanter l’amour et la passion pour une même terre, avec une rage émotionnelle propre à chacun. Ils se comprennent et peuvent tout à fait se répondre avec des arguments musicaux et vocaux qui attestent d’un tronc et d’une histoire communs ; en tenant compte des différences qui les caractérisent du fait de leurs cheminements individuels à travers le temps et l’histoire, et des diverses adoptions venues d’ailleurs.

Amina Alaoui, l’art du chant arabo-andalou
Née en 1964 dans la ville impériale de Fès, Amina Alaoui est issue d’une famille de mélomanes. Dès l’âge de 6 ans, elle étudie le chant arabo-andalou, le piano classique et la danse contemporaine, marocaine et orientale, qu’elle approfondit auprès de maîtres et au conservatoire de Rabat. Par ailleurs, ses études universitaires l’amènent à se consacrer à la philologie et à la linguistique (arabe, française et espagnole). Elle développe un travail de recherche personnel sur les chants arabo-andalous et orientaux, puis se tourne vers le gharnati, un rameau distinct de la musique araboandalouse. Par la suite, elle s’initie au chant classique persan, mais aussi au chant médiéval européen.
Son regard est certes tourné vers la tradition, mais elle a aussi su s’en éloigner pour proposer une démarche originale, répondant aux questions qui agitent le monde de la musique arabo-andalouse au Maroc. Elle travaille aujourd’hui dans deux directions. D’une part, enseigner la tradition des musiques arabo-andalouses, et en particulier celle de la musique gharnati, en rénovant les formes de sa transmission. Amina Alaoui mène toute une réflexion sur l’instrumentation, la durée des noubas, leurs rapports avec les sources médiévales hispaniques et européennes, la préparation des publics contemporains. Elle souhaite d’autre part proposer une vision personnelle du lien entre les musiques médiévales qui ont conflué en Espagne jusqu’au XVe siècle et les musiques arabo-andalouses telles qu’elles se sont développées au Maghreb après la Reconquista. A ce titre, son enregistrement Alcantara est exemplaire de cette démarche. Son approche actuelle du gharnati se situe dans cette double perspective. Style développé à travers les familles juives marocaines, les familles d’origine andalouse, et enfin les familles de Tlemcen en Algérie, qui ont ensuite essaimé à Oujda, au Maroc, le gharnati porte une marque algérienne qui le fait nommer “dziri” (algérien) par les gens de Fès.

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