Expositions

Les saisons arabes par Bokja

Exposition-dossier (musée, niveau 5)
  • 10 octobre 2012 - 30 janvier 2013
Les saisons arabes par Bokja
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Bokja, The Protester, 2011, 150 cm

Bokja est un ancien terme turc employé dans plusieurs pays du Proche-Orient pour désigner le tissu finement ouvragé dans lequel est enveloppée la dot de la mariée. C’est le nom de marque qu’ont choisi Hoda Baroudi et Maria Hibri pour le mobilier qu’elles créent avec une même passion du détail et de l’histoire. Les deux créatrices, installées à Beyrouth, s’inspirent de formes anciennes qu’elles réinventent et habillent de tissus et de broderies qui nous font parcourir la Route de la Soie, de l’Extrême au Moyen-Orient en passant par l’Asie du Sud. Bokja réussit la fusion de cultures millénaires et de formes modernes réinterprétées, pour produire des pièces uniques, aujourd’hui appréciées et commercialisées internationalement. 

Les deux créatrices utilisent la matière textile pour raconter des histoires hautes en couleurs en juxtaposant les motifs et la richesse des textures. En parallèle à la création de mobilier, Bokja aime brouiller la mince frontière entre art, artisanat et design. En s’inspirant des changements sociopolitiques mis en branle par le Printemps arabe, les deux créatrices se sont lancées dans une nouvelle ligne de travail qui place Bokja au cœur de ce nouveau contexte international : un questionnement de l’avenir qui ne va pas sans un certain sens de l’ironie, non seulement pour Hoda Baroudi et Maria Hibri mais aussi pour les artisans avec qui elles travaillent. Entremêlant ces expériences dans la trame de l’œuvre, chaque pièce a une histoire unique à raconter qui nous invite à nous raconter à notre tour.

Inspiré de la forme traditionnelle des drapeaux ou des bannières en tissu, Arab Spring (2011) représente le réveil, la renaissance. Le fond du « Printemps arabe » de Bokja est un ancien tapis précieux, qui symbolise les valeurs fondamentales de la culture arabe qui doivent servir de base à tout renouveau. À l’instar des vieux idéaux politiques, le tapis élimé a besoin d’un coup de jeune. Les créatrices ont cependant insufflé un vent d’optimisme et de jouvence en utilisant différentes icônes visuelles, dont une femme à cheval en route vers un monde nouveau et inconnu. Par contraste, Arab Fall (2011) se détache sur un patchwork de jeans importés, qui reflète la triste réalité d’un monde arabe où les modes occidentales et le fast-food ont corrompu des coutumes et des traditions ancestrales (fall signifie à la fois « automne » et « déclin »). Ici, l’éléphant volant renvoie à tous les slogans ineptes martelés à des générations entières dans toute la région.

Après l’immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie et tout ce qui s’en est suivi, les manifestants ont retrouvé un nouveau souffle et envahi les rues de la planète. The Protester (2011) était à l’origine un seul manifestant, qui a très vite fait des émules pour suivre les événements à mesure que les mouvements de protestation gagnaient la Tunisie, le Yémen, l’Égypte, l’Algérie, l’Arabie saoudite, la Syrie, la Libye, le Maroc, la Jordanie, le Bahreïn, l’Iran et la Palestine, mais aussi l’Espagne, la Grèce, Occupy Wall Street, etc. Le résultat : une installation sphérique avec des manifestants qui s’emparent du globe, reliés les uns aux autres par l’utilisation de textiles issus de différentes cultures qui définit la philosophie de Bokja ; c’est un hommage à chaque homme et à chaque femme qui a risqué sa vie pour amener le changement, dénoncer les inégalités ou améliorer l’ordre social. Tyre(d) (2012) – jeu de mots en anglais entre tyre, « pneu », et tired, « fatigué » – présente un tas de pneus recouverts de tissus par les deux créatrices libanaises, qui transforment ainsi des objets brûlés dans la rue en signe de protestation par les manifestants en un cri public de lassitude et de frustration. Ici l’utilisation des textiles par Bokja a plutôt la vertu de pacifier le message politique, tout en conservant une grande puissance symbolique et poétique.

L’installation interactive a été présentée pour la première fois à Beyrouth, en signe de protestation pacifique contre le brûlage de pneus. Cette campagne a été rapidement relayée par d'innombrables réactions en ligne et dans les médias sociaux du monde entier. Ces œuvres seront présentées ensemble pour la première fois au sein de la collection permanente du musée de l’Institut du monde arabe. L’exposition a pour ambition d’encourager le dialogue entre les œuvres, la collection et le public. Bokja a également conçu de nouvelles broderies autour des éléments qui redéfinissent la carte du monde arabe : des études intimistes qui dissèquent l’identité arabe en pleine mutation, créées avec les artisans originaires de différents pays, comme l’Iraq, la Syrie, l’Égypte et bien sûr le Liban, qui travaillent pour Bokja. Une installation audiovisuelle permettra de suivre le fil de leurs histoires orales comme la mémoire enregistrée d’une belle révolution qui ne fait que commencer.

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