L'Institut du monde arabe consacre une rétrospective à l'artiste franco-marocain Mehdi Qotbi. La peinture de Mehdi Qotbi est marquée par la calligraphie arabe, dans la tradition de la hurufiyya. Il a travaillé avec de nombreux écrivains qui ont ajouté leurs mots à son foisonnement de « signes » : Michel Butor, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Octavio Paz, Nathalie Sarraute...
Par Nathalie Bondil, directrice du Département du musée et des expositions de l'IMA, commissaire de l'exposition “Mehdi Qotbi, une vie, une œuvre”
Si sa peinture s'inscrit dans la riche tradition de la hurufiyya, Qotbi croise la langue des poètes en renouvelant le genre : leurs plumes et son pinceau s'enchevêtrent sous le signe de l'amitié. Dans ses livres illustrés, nombreux sont les écrivains qui ajoutent leurs mots à son foisonnement de « signes », autant de partitions à quatre mains signées par Yves Bonnefoy, Michel Butor, Aimé Césaire, Andrée Chédid, Jacques Derrida, Édouard Glissant, Léopold Sédar Senghor, Octavio Paz, Nathalie Sarraute... Qotbi imagine ainsi un processus de mise en relation, dans un monde non hiérarchisé́, des imaginaires et des cultures. Métaphore de la beauté de nos voix en suspension, son alphabet de l'âme proclame une esthétique de l'universel et du discursif en intersubjectivités partagées : “La richesse culturelle du monde, c’est sa diversité en dialogue”, énonce en écho l'Unesco.
Explorant la fluidité culturelle d’identités en constante renégociation, son œuvre distille autant de questionnements, d’insaisissables et d’indéterminations. Si Qotbi admire Les Nymphéas de Claude Monet à l'Orangerie dès son arrivée en France en 1972, si le All-over des peintres américains tels Jackson Pollock ou Mark Tobey l’inspire, s'il côtoie le cercle du lettrisme (“une poétique des sons” pour eux, “un charabia incompréhensible” pour lui), son fondateur Isidore Isou et ses compagnons de route, Jean-Paul Albinet et Jacques Spacagna, Qotbi s'en éloigne. Son art distinct s'offre plutôt comme une “désécriture”, selon ses mots, tout à fait personnelle : sur ses toiles, une graphie étourdissante, virevoltante, musicale ou compulsive, tout en pleins et en déliés, ondule à l'infini en vibrations incantatoires. Son art, commente le critique Philippe Dagen, “s’offre et se dérobe. S’offre à la délectation chromatique. Se dérobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir”.
Né en 1951 à Rabat, Qotbi grandit dans un milieu modeste. Il se découvre une passion pour le dessin en décorant un mur de son lycée à Kénitra. Il décide de suivre sa vocation en 1967 aux Beaux-Arts de Rabat. Une rencontre déterminante avec le grand peintre Jillali Gharbaoui (1929-1971), considéré comme le premier artiste abstrait du Maroc, renforce sa conviction. En 1969, il part en France pour obtenir le diplôme des Beaux-Arts – section peinture – à Toulouse en 1972. Il poursuit sa formation à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. De 1973 à 2007, il enseigne les arts plastiques en France et au Maroc. Parallèlement, Qotbi ne cessera jamais sa carrière d’artiste, exposé et collectionné dans des musées à travers le monde, soutenu par les critiques Pierre Gaudibert, Otto Hahn, Gilbert Lascault ou Pierre Restany. Depuis 2011, il préside la Fondation Nationale des Musées du Maroc : nommé par le roi Mohammed VI, il a pour mission la création et le développement de centres d'art et de musées, accessibles à tous et à toutes, dans tout le royaume. Pour Qotbi, l'art et les musées servent plus que jamais à connecter les humains et les pays, ensemble.
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