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Le blues du Sahara

Avec Tinariwen
  • 10 June 2004
Le blues du Sahara
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Issus du peuple nomade le plus fascinant au monde, on peut dire que les musiciens de Tinariwen ne pouvaient mieux rêver qu’une naissance artistique vagabonde, le long des pistes reliant le Mali, l’Algérie et les oasis libyennes. Ou ne pouvaient rêver pire, car, c’est poussés au déracinement et à l’exil, par des conditions économiques, dans des circonstances politiques sévères, qu’Ibrahim, Keddu, Hassan, Enteyeden et Mohamed dit " Japonais " se sont rencontrés à la fin des années 70 pour former un ensemble appelé alors Taghreft Tinariwen (le groupe des déserts). Difficile dans leur cas de parler d’une carrière, voire d’une trajectoire, tant ces vingt et quelques années ont été une somme ininterrompue de galères, de ruptures, d’incertitudes et même de combats. Au début des années 90, on retrouve Ibrahim et Keddu en maquisards participant à l’attaque d’un poste militaire près de Menaka, sur la frontière séparant le Mali du Niger. Cette offensive lancera véritablement la légende du groupe Tinariwen.
Depuis cette époque héroïque, sa composition n’a cessé d’évoluer, intégrant la jeune génération avec Abdallah, Eyadou, Said et Elaga, et confiant à Mina et Wounnou un rôle bien plus substantiel que celui de simple figuration féminine. Un premier album en 2002, The Radio Tisdas Sessions, réalisé à l’énergie solaire dans les studios de la radio de Kidal, témoignait de la conservation d’un style traditionnel propre aux Touaregs maliens mais transposé dans la modernité, notamment grâce à l’usage de nombreuses guitares électriques. Amassakoul (TribanUnion/Emma Prod/AZ), enregistré au studio Bogolan de Bamako, achève ce processus de préservation-modernisation et immobilise enfin cette musique de l’errance. Accompagnés au tindé, percussion jouée habituellement par les femmes, à la flûte tazammârt et à la guitare, Tenere Dafeo Nikchan permet à Ibrahim d’évoquer le souvenir de ceux qui ne sont plus là. De son chant nocturne, plus qu’une évocation, naît la sensation presque palpable de l’asuf, solitude physique et morale au cœur de toute la poésie chantée des Touaregs. Que la musique de Tinariwen puisse parfois rappeler une forme primitive du blues n’est donc pas fortuite. Comme pour le blues, elle sert à filtrer, à travers une expression rythmique et harmonique circulaire, un sentiment de détresse universel.

Francis Dordor

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